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18 mars 2009 3 18 /03 /mars /2009 23:11

Bouleversant

 

C’est la première fois qu’elle se joue en France : la pièce « Terre sainte », de l’Algérien Mohamed Kacimi, est actuellement à l’affiche du Théâtre de la Tempête. Soucieux de vous rendre à la Cartoucherie en ces derniers jours d’hiver ? Vous ne le regretterez pas : un texte fort et sensible, servi par une mise en scène expressive et des comédiens passionnés… Un spectacle magnifique, dont on sort bouleversé.

 

Alors que le public se trouve plongé dans le noir, des coups marquent l’entrée dans la représentation. Non, ce ne sont pas les trois coups bien connus : ces coups-là assourdissent, attaquent, inquiètent. Dans une lumière soudaine, un soldat apparaît, fusil au poing, sur le pas de ce qui ressemble à une maison, ou plutôt à une sorte de bunker. À l’intérieur de cet espace gris, dépouillé malgré les quelques meubles, un néon blafard éclaire une jeune fille. L’extérieur, figuré par un fond bleu vif, s’impose entre les pans de mur : car c’est là que tout se passe, que se jouent la guerre, la mort, les morts.


Terre sainte, ou cinq personnes bloquées dans une ville en état de siège : une famille composée du père Yad, de son épouse Alia et de leur fils Amin, la fille des voisins, Imen, sans nouvelles de sa mère retenue au check-point, et un soldat qui s’enfonce au fil des perquisitions dans une folie paranoïaque. Cinq personnes très différentes, qui, chacune, tente de vivre sous les bombes à sa manière, dans cette terre sainte privée de sens. Car, comme le dit le père, la guerre « fait des trous », dans leurs vies, dans leur chair, dans leur humanité. Restent l’arak et son ivresse, l’amour, un petit chat nommé Jésus, les souvenirs, le jeu ; et, pour le fils, une croyance en Dieu, qui sous l’effet de la révolte se mue en fanatisme impitoyable. Une pulsion de mort qui suffira à ravager ce monde en sursis.


© Emmanuelle Blanc


Mohamed Kacimi signe un texte captivant : de l’ordinaire de cette vie constamment aux prises avec la mort, qu’il restitue avec dérision dans son absurdité, il dégage une oppression chargée d’une gravité croissante. Son écriture magnifique nous touche infailliblement. Prosaïque par moments, elle nous offre aussi des instants de poésie pure, comme ces monologues qui éclairent la pièce de leur tonalité sombre et rêveuse.


La mise en scène de Sophie Akrich s’attache à épouser le texte dans ses contrastes et son crescendo : à la fois sobre et expressive, retenue et rythmée, elle rend l’oppression de plus en plus palpable, violente même. Elle refuse pourtant toute brutalité. Et c’est sans doute ce qui fait sa force et sa beauté : en sublimant la violence, en substituant par exemple à de véritables bruits de missiles des sons aigus, presque musicaux, elle la rend plus poignante encore.


Enfin, last but not least, il faut rendre hommage aux comédiens, tous les cinq excellents : de Bernard Allouf dans le superbe rôle du père, clé de voûte de la pièce qui en livre tout le sens, à Katia Dimitrova en Alia simple et touchante, en passant par les jeunes Mehdi Dehbi, Lily Bloom et John Kokou au jeu extrêmement dense et sensible. Au moment du salut, leur physionomie semble encore marquée par ce que leurs personnages viennent de traverser. Nous aussi, on est sous le choc. 


Sarah del Pino

Les Trois Coups

www.lestroiscoups.com


Terre sainte, de Mohamed Kacimi

Mise en scène : Sophie Akrich

Avec : Bernard Allouf, Lily Bloom, Mehdi Dehbi, Katia Dimitrova, John Kokou

Scénographie et lumières : Erwan Creff

Assistante scénographie et lumières : Caroline Aouin

Musique : Frédéric Minière

Collaboration artistique : Isabelle Fruchart

Théâtre de la Tempête • la Cartoucherie • route du Champ-de-Manœuvre • 75012 Paris

Réservations : 01 43 28 36 36

www.la-tempete.fr

Du 10 mars au 12 avril 2009, du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 16 h 30

Durée : 1 h 30

18 € | 13 € | 10 € (tarif unique le mercredi à 10 €)

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