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9 avril 2009 4 09 /04 /avril /2009 13:53

« Précieuses ridicules », précieuse


Par Cédric Enjalbert

Les Trois Coups.com


Tréteaux sous un bras, perruques, jupons et pourpoints dans sa besace, Christian Schiaretti s’en est allé joué la comédie à Malakoff. Et quelle comédie : cinq pièces (et piécettes) du bon Molière interprétées par la troupe du T.N.P. avec, en alternance, « Sganarelle ou le Cocu imaginaire » et « l’École des maris », ou « la Jalousie du barbouillé » et « le Médecin volant ». Et « les Précieuses ridicules », tous les soirs. Où l’on apprend pourquoi les raretés le restent et les classiques le sont devenus.

Le classique, donc, en quelques mots résumé : les précieuses (Jeanne Brouaye et Clémentine Verdier) courtisées par La Grange et Du Croisy, moquent allégrement ces derniers, leurs prétendants point assez dans l’air du temps. Au diable la mode ! Peste soit des demoiselles ! Marris les seigneurs se retirent. Ils mandatent leurs valets travestis pour séduire les donzelles. Quelques breloques, un ample pourpoint, une perruque poudrée et des fariboles amphigouriques suffisent à faire se pâmer les belles, assurées de commercer avec le beau monde – le marquis de Mascarille, pensez-vous ! Évidemment, on finit par mettre bas les masques : le marquis de Mascarille n’était qu’un marquis de mascarade, un seigneur de pacotille. Et les belles dupes, de précieuses passer pour ridicules en moins de temps qu’il n’en faut pour danser quadrille. Happy end à la Poquelin, satirique et drôle, si bon pour le public complice.

Schiaretti a tout fait à l’ancienne : tréteaux, costumes xviie (dont il faut saluer la belle facture), chants, danses et moult coups de bâton (dans la tradition de la farce). C’est bien vu, et pas bêtement moliérico-féal. La mise en scène, en effet, est justifiée par une juste nécessité politique : « Dans ces pièces, on entend beaucoup le règne de l’apparence. Il y a de la place pour la rédemption des exploités, des pauvres, des valets qui retournent la démonstration de cette apparence du pouvoir. Aujourd’hui, c’est une des questions qui nous habitent beaucoup : un pouvoir qui parle populaire et qui, en même temps, manie le bâton. Comment peut-on établir une distance ? Comment peut-on retourner le gant du pouvoir ? ».

« la Jalousie du barbouillé » | © Christian Ganet

Manifestement, le théâtre (dont l’origine étymologique nous rappelle qu’il est bien question de voir, « mais alors voir ») peut y aider. De fait, l’interprétation truculente (saluons la performance de David Mambouch), passionnée, vivante (un trou de mémoire étouffé par un rire retenu et entretenu par le public ami), bouffonne parfois (ah ! cette nudité des valets exposée dans un fort peu seyant slip rose greffé d’un abominable et grotesque sexe de caoutchouc…), vulgaire un peu (on regrette les explications de texte inutilement démonstratives qui entendent susciter ce rire gras venu du bas-ventre), insuffle un vent de fraîcheur à ce classique par trop poussiéreux. Et ragaillardit notre si précieux pouvoir d’étonnement.

Le décor, enfin, limité à une armature de maison en bois, souligné par un jeu de lumière efficace, laisse toute liberté de jeu aux comédiens, ici remarquables. Un paravent bleu rétro-éclairé en fond de scène sert de coulisse et permet un jeu d’ombre élégant. Les danses et les chants, bien que ridicules, restent parfaitement exécutés, manifestant un travail trop souvent négligé. Les morceaux de bravoure (chantés) du marquis de Mascarille sont ainsi de délectables et hilarants moments. L’ensemble de la représentation respire le plaisir de jouer.

Et les deux raretés ? N’en disons mot, c’est superflu. La Jalousie du barbouillé et le Médecin volant, on le craint, participent d’un coup marketing : c’est trois Molière pour le prix d’un, ou « le Molière que vous n’avez jamais vu ! ». Une façon, peut-être, de drainer un public réticent (ciel ! encore un Molière !) ? Qu’importe, comme souvent dans ce genre d’affaire, « l’offre spéciale » est un peu superfétatoire. 

Cédric Enjalbert


Cinq comédies de Molière

Sganarelle ou le Cocu imaginaire ; l’École des maris ; les Précieuses ridicules ; la Jalousie du barbouillé ; le Médecin volant

Un spectacle du Théâtre national populaire-Villeurbanne, avec le soutien du département du Rhône, de la région Rhône-Alpes pour l’insertion des jeunes professionnels, avec la participation de l’E.N.S.A.T.T.

Mise en scène : Chrisitian Schiaretti

Avec : Laurence Besson, Olivier Borle, Jeanne Brouaye, Julien Gauthier, Damien Gouy, David Mambouch, Clément Morinière, Jérôme Quintard, Julien Tiphaine, Clémentine Verdier

Conseiller littéraire : Gérald Garutti

Lumières : Julia Grand

Costumes : Thibaut Welchlin

Coiffures, maquillage : Nathalie Charbaut

Directeur des combats : Didier Laval

Chant : Emmanuel Robin

Danse : Véronique Élouard, Maud Tizon

Assistante : Laure Charvin-Gautherot, Julie Duchènes

Habilleuses en jeu : Aude Bretagne, Adeline Isabel

Techniciens en jeu : Luis Carmona, Fabrice Cazanas

Décors : ateliers du T.N.P., sur idée de Christian Schiaretti

Théâtre 71-Malakoff • 3, place du 11-Novembre • 92240 Malakoff

Réservations : 01 55 48 91 00

www.theatre71.com

Du 25 mars au 10 avril 2009, du mardi au dimanche

Sganarelle ou le Cocu imaginaire | l’École des maris | les Précieuses ridicules : mercredi 25 mars à 19 h 30, jeudi 26 mars à 19 h 30, vendredi 27 mars à 20 heures, samedi 28 mars à 20 heures, mardi 7 avril à 20 heures, mercredi 8 avril à 19 h30 (durée : 3 h 25, avec entractes)

– Intégrale des 5 comédies : dimanche 29 mars à 15 heures (durée : 4 h 35, avec entractes)

la Jalousie du barbouillé | le Médecin volant | les Précieuses ridicules : mardi 31 mars à 20 heures, mercredi 1er avril à 19 h 30, jeudi 2 avril à 19 h 30, vendredi 3 avril à 20 heures, samedi 4 avril à 20 heures, dimanche 5 avril à 16 heures, jeudi 9 avril à 19 h 30, vendredi 10 avril à 20 heures (durée : 2 h 20, avec entractes)

23 € | 16 € | 13 € | 11 € | 9 €

Tournée 2009 :

– du 15 au 17 avril 2009 à la Scène nationale de Mâcon

– du 21 au 24 avril 2009 au Théâtre de Narbonne

– du 28 au 30 avril 2009 à la Scène nationale de Sète

– les 5 et 6 mai 2009 au Théâtre en Dracénie de Draguignan

– du 12 au 14 mai 2009 au Cratère d’Alès

– du 26 mai au 6 juin au Théâtre du Gymnase à Marseille

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