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30 mai 2009 6 30 /05 /mai /2009 10:13

La thérapie du coup de poing

 

Créée en janvier 2008 au Théâtre Premier acte de Québec, « le Boxeur » est joué pour la première fois en Europe au Théâtre Expression 7 de Limoges puis au Tarmac de la Villette, en mai et juin 2009. Il nous plonge dans la violence née du mépris.

 

Il est des personnages taillés sur mesure, et ce boxeur en fait partie. Son écriture commence un soir de printemps 2006 : place d’Italie à Paris, Patric Saucier demande son chemin à une belle qui le toise et passe son chemin. Ce mépris le pousse à écrire, dans l’urgence (en un mois), le Boxeur. Mis à part la violence physique, la prison et la boxe, tout est autobiographique. Ce travail d’écriture, aux accents d’art-thérapie, se prolonge naturellement sur la scène où Saucier ne veut confier son propre rôle à aucun autre que lui.

 

Comme tout gros, Québec – le personnage qu’il incarne – est tout jeune le souffre-douleur de ses copains. Il vit dans une ambiance familiale grevée par le fantôme de Simon, son jeune frère noyé. Comme dans une gangue, il est coincé entre une mère qui le surprotège et le deuil inachevé d’un père dont « la maladie d’Alzeimer lui fait même oublier qu’il est mort ». Son histoire étouffante d’humiliations prend un tour dramatique quand, après un entretien d’embauche à Paris, sans suite, il est snobé par une femme trop belle pour lui. Sa colère trop longtemps contenue se déchaîne alors. Sa rage ravage deux vies d’un coup.

 

Enfant, Québec voulait être architecte ; ses proches l’enfermaient dans une carrière de boxeur. Catalogué, il va finir par ressembler au catalogue : c’est en prison que son « destin » se réalise, et le fait passer de la honte à la gloire. Il lui faut bien survivre ! Frapper œil pour œil enflé. Agresser pour ne pas l’être soi-même.

 

© Philippe Séguy 

 

Sur scène, un seul homme. En arrière-plan, un tag « mother fucker » sur un mur de briques et des grilles qui bouchent l’horizon : « En prison, même le béton est armé. ». Il survit entre França, son codétenu et « Chum » aux accents méridionaux, et la bande de durs menée par Liverpool, qui veut marquer sur lui son territoire, avec ses poings et son sperme. La boxe devient pour Québec un art et une raison de vivre. La tête défoncée, il n’a pas des idées brillantes. Mais quand il ne se bat pas, il écrit de la poésie carcérale – dont la très belle tirade des pieds.

 

Saucier incarne une dizaine de personnages. Il y a ceux qui évoquent des lieux (Québec, França, Dublin, le Congolais et Liverpool), ceux qui ont une fonction d’autorité auprès de lui (Mère, Père et le gardien Barreau) et enfin Muhammad Ali (le seul identifié), qu’il choisit comme « entraîneur » et mentor. Ali ne disait-il pas que « les femmes ne sont pas faites pour être frappées » ?

 

Avec ses combats dans la lumière éblouissante, sur une musique tonitruante et excité par les cris des supporters, Québec revit la violence déchaînée contre sa victime… Le coup de poing devient une thérapie ; la mort, une absolution. Il découvre que ce qu’il veut détruire en l’autre, c’est la partie de lui-même qu’il y reconnaît.

 

Ce looser est touchant à défaut d’être sympathique. Son propos – d’une rare poésie – est riche des accents de la Belle Province, dépaysants et étranges. Il nous offre un spectacle âpre, mais sans pathos, sur « un petit gars qui cherchait juste à s’envoler » et qui y parvient au prix de sa vie. À côté d’Olivier Choinière et de Michel Tremblay, l’écriture de Patric Saucier vaut vraiment le détour. 

 

Olivier Pradel

Les Trois Coups

www.lestroiscoups.com


Le Boxeur, de Patric Saucier

Mise en scène et interprétation : Patric Saucier

Assistance à la mise en scène et régie : Anne-Marie Jean

Scénographie : Vanessa Cadrin

Assistance à la scénographie : Anne Prolongeau, Philippe Séguy

Éclairages : Philippe Séguy

Musiques : Martin Bélanger, Claude Bernatchez, Andrée Bilodeau, Stéphane Caron, Yves Dubois, Isabelle Fortier, Mathieu Girard, Limoges Hôtel, Jean-Marc Saumier, Fabrice Tremblay

Le Tarmac de la Villette • parc de la Villette • 211, avenue Jean-Jaurès • 75019 Paris

Réservations : 01 40 03 93 95 ou www.letarmac.fr

Du 26 mai au 6 juin 2009, du mardi au vendredi à 20 heures, le samedi à 16 heures

Durée : 1 h 30

16 € | 12 € | 5 €

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