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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 11:26

Mélange des genres


Par Léna Martinelli

Les Trois Coups.com


Si les vedettes s’affichent presque autant au privé qu’au public, si Shakespeare s’invite aussi bien à Marigny qu’à la Comédie-Française, les propositions artistiques diffèrent malgré tout. Et c’est sans doute dans la nature des disciplines convoquées sur scène que les spécificités s’affirment le plus franchement. Musique, arts du cirque, arts visuels, comment les genres se mêlent-ils donc ?

spamalotLe spectacle n’échappe pas à la mondialisation. De plus en plus de productions voyagent effectivement de par le monde. L’Odéon-Théâtre de l’Europe est même missionné pour coproduire des spectacles étrangers. Cela n’empêche d’ailleurs pas la Colline d’accueillir Marius von Mayenburg (1) ! Ni le Théâtre 71 de soutenir le canadien Wajdi Mouawad (2) depuis près de vingt ans. L’ouverture sur le monde et la libre circulation des spectacles sont évidemment d’excellentes choses. Les artistes étrangers ne revitalisent-ils pas notre création nationale depuis plusieurs décennies ? En revanche, viser à toucher un si vaste public amène certains artistes à calibrer des spectacles qui se transforment alors en produits culturels.

Espérons que cela ne sera pas le cas de Sacré Graal (3), adaptation du film culte des Monty Python. Récompensé « Best musical » en 2005 aux Tony Awards, joué sur scène pour la première fois en France, il devrait faire un tabac. Très drôle, mais pas assimilable au genre très prisé des comédies musicales, Corps à cordes (4) devrait également rester longtemps à l’affiche, le Quatuor étant une incontournable référence en matière d’humour musical. Plus modeste encore, mais ô combien plus touchant, Abraham (5) tranche aussi avec ces superproductions. Tout en chansons, tout en retenue, Michel Jonasz, seul en scène, rend un vibrant hommage à son grand-père, juif polonais mort en déportation (voir la critique de Victorien Robert). Dehors peste le chiffre noir (6) n’a rien à voir non plus avec le grand show à l’américaine (voir la critique de Sarah Elghazi). Normal, nous nous éloignons des grandes salles privées qui doivent absolument plaire, à moins de mettre la clé sous la porte ! Au Théâtre du Rond-Point, donc, trois musiciens et comédiens y composent une chorale de chœurs économiques qui donne à ce réquisitoire une vibrante polyphonie de mots, de sons et de gestes. Ce témoignage capital sur la crise effectué à partir de témoignages recueillis par l’auteur auprès de tous les protagonistes du surendettement (victimes et créanciers) est drôle et désespéré tout à la fois.

Spectacle total

Des scènes privées aux scènes publiques, le propos gagne donc en densité et en portée. Malgré le poids des mots et une certaine exigence, la légèreté est de mise. Avec ou sans pas de deux ! À la musique et à la danse, les artistes du secteur subventionné se plaisent à ajouter les arts du cirque. À ce titre, la Volière Dromesko (7) revient faire tourner son manège au Monfort. Avec musique tzigane et animaux, leur merveilleuse baraque de fortune fait immanquablement advenir le rêve forain. Bel acte de résistance poétique avec Arrêtez le monde, je voudrais descendre. Plutôt que l’humain, Johann Le Guillerm (8), artiste associé du parc de la Villette depuis 2001, continue d’explorer la relation de l’artiste à la matière. Performance, installation, parcours constituent les dernières étapes d’un ambitieux programme. Au cœur d’un laboratoire vivant, les équilibres instables s’agencent et les turbulences se domptent. Seul en piste, ce « phénomène de cirque minéral et végétal » pratique un art brut à l’attraction sidérante, entre puissance et fragilité. Équilibre précaire, cette fois-ci pour Camille Boitel et ses comparses (9), au Théâtre de la Cité-Internationale. Détournant l’art du clown et de la manipulation d’objets, la traversée de la vie que ces joyeux lurons nous proposent aide à mieux lutter contre la pesanteur des choses (voir la critique d’Ingrid Gasparini).

contes-de-grimmGestuel, ce spectacle emprunte beaucoup au visuel. Avec des moyens moins artisanaux – en l’occurrence la vidéo –, la talentueuse Julie Bérès dévoile, Sous les visages  (10), les cauchemars et les rêves d’une femme brusquement rejetée dans la marginalité, sans plus de travail, donc sans plus d’identité. Des images troubles, aussi, on en aura avec Voyageurs immobiles  (11), spectacle éblouissant de Philippe Genty, toujours très inspiré parce qu’à l’écoute de son inconscient. Là encore, le spectacle est total : marionnettes, danse, théâtre, vidéo, musique. Et attention ! Il ne s’agit pas d’une reprise, mais d’une recréation. Si, dans le secteur privé, on prolonge ou l’on programme des reprises de façon à permettre à des spectacles d’aller jusqu’au bout de leur succès, dans le secteur subventionné, on se donne les moyens de sans cesse réinventer. Justement, parce qu’on est payé pour cela.

En matière de récréation, les spectacles « tout public » fournissent évidemment matière à se divertir. Rassembler les générations autour des mythes et récits fondateurs permet aussi de se construire. Les contes sont autant de voyages initiatiques autour du rêve, qu’il est fortement recommandé de partager en famille. Écla Théâtre, qui existe depuis vingt-deux ans, l’a bien compris. Avec une dizaine de productions par an réunissant près de 300 000 spectateurs par saison, cette compagnie est d’ailleurs une des plus importantes dans son genre. Question répertoire, ses adaptations de contes valent particulièrement le détour, comme celle qui revisite les passages clés des frères Grimm et Andersen, les plus grands maîtres du genre.

Stimuler l’intelligence et la sensibilité du jeune spectateur en devenir, assumer une vocation éducative, ne sont-ce pas des missions qui relèvent du service public ? Et pourtant, cela se passe au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, dans le temple du privé. Nouvelle preuve, s’il en faut, que tout est possible, ici et là, aujourd’hui comme demain ! Le mélange des genres, comme celui des gens. 

Léna Martinelli


(1) La Pierre, de Marius von Mayenburg

Mise en scène : Bernard Sobel

Théâtre national de la Colline • 01 44 62 52 52

www.colline.fr

Du 22 janvier au 17 février 2010

Théâtre du Nord • 03 20 14 24 24

www.theatredunord.fr

Du 23 février au 5 mars 2010

(2) Littoral, de et par Wajdi Mouawad

Théâtre 71, scène nationale • 01 55 48 91 00

www.theatre71.com

Du 20 janvier au 21 février 2010

(3) Monty Python’s Spamalot, de Eric Idle

Mise en scène : Pierre-François Martin-Laval

Théâtre Comedia • 01 42 38 22 22

www.theatrecomedia.com

À partir du 5 février 2010

(4) Corps à cordes, du Quatuor

Mise en scène : Alain Sachs

Théâtre des Variétés • 01 42 33 09 92

www.theatredesvarietes.fr

Prolongations du 15 janvier au 7 mars 2010

(5) Abraham, de et par Michel Jonasz

Théâtre de la Gaîté-Montparnasse • 01 43 22 16 18

www.gaite.com

Reprise du 11 janvier au 29 mars 2010

(6) Dehors peste le chiffre noir, de Kathrin Röggla

Mise en scène : Eva Vallejo et Bruno Soulier

Théâtre du Rond-Point • 01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

Du 20 janvier au 21 février 2010

(7) Arrêtez le monde, je voudrais descendre, du Théâtre Dromesko

Mise en scène : Igor et Lily

Le Monfort • 01 56 08 33 88

www.lemonfort.fr

Du 2 février au 6 mars 2010

(8) Secret, de Johann Le Guillerm

Grande Halle de la Villette • espace Chapiteaux • 01 40 03 75 75

www.villette.com

Du 6 mars au 10 avril 2010

(9) L’Immédiat, de Camille Boitel

Théâtre de la Cité-Internationale • 01 43 13 50 50

www.theatredelacite.com

Du 21 janvier au 20 février 2010

(10) Sous les visages, de Julie Bérès, Elsa Dourdet, Nicolas Richard, David Wahl

Mise en scène : Julie Bérès

Théâtre des Abbesses • 01 42 74 22 77

www.theatredelaville.com

Du 25 mai au 5 juin 2010

(11) Voyageurs immobiles, de et par Philippe Genty et Mary Underwood

Théâtre du Rond-Point • 01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

Du 27 mai au 27 juin 2010

(12) Contes, d’Andersen et Grimm

Mise en scène : Quentin Defalt

Théâtre de la Porte-Saint-Martin • 01 42 08 00 32

www.portestmartin.com

Depuis le 21 décembre 2009. Jusqu’au 26 février 2010

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commentaires

L
<br /> Vous avez raison Sophie. C'est une erreur de ma part. Pas d'infos sur ce spectacle sur le site du Théâtre de la Porte Saint-Martin ! Je vous recommande<br /> donc http://www.billetreduc.com/22537/evt.htm.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Contes, d’Andersen et Grimm, au Théâtre de la Porte St Martin jusqu'au 26 février?<br /> <br /> Quand on va sur le site du Théâtre, ce spectacle est introuvable...<br /> <br /> Des Contes imaginaires donc?<br /> <br /> <br />
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