Merlin Nyakam, le danseur
qui sourit
Par Céline Doukhan
Les Trois Coups.com
Février 2010 : toute la Gaule est transie de froid, terrassée par un énième « épisode neigeux ». Toute ? Non. Un irréductible petit théâtre se réchauffe vaillamment grâce à la potion magique d’un danseur-sorcier venu du Cameroun : Merlin Nyakam.
Tout est dans le titre : « Récréation primitive ». Donc, comme dans toute récréation qui se respecte, on n’est pas là pour se prendre la tête. Ni la calebasse, emblème de la compagnie. Les danseurs s’amusent et nous aussi. Quand ils débarquent sur le plateau, avec la lourdeur et la souplesse de grands primates, ils forment une cocasse bande d’hominidés tout poussiéreux, à mi-chemin entre les protagonistes de la Guerre du feu et ceux du mythique ballet May Be de Maguy Marin.
La chorégraphie de Merlin Nyakam (danseur étoile du Ballet national du Cameroun à 16 ans, quand même !) déploie alors ses éclatantes couleurs pendant plus d’une heure, qui est comme une longue bouffée d’adrénaline : on n’a pas le temps de souffler. Énergie, humour, panache de showman : la performance de Nyakam, c’est un peu Usain Bolt qui courrait un 10 000 mètres…
« Récréation primitive » | © Xavier Wurmser
Et qui dit « primitif » dit rituel, bien sûr. Trois percussionnistes rythment ces cérémonies, ou plutôt ces transes, de leurs sons incendiaires. On voit en effet s’enchaîner des sortes de sketches dansés, dont certains sont vraiment désopilants, à l’instar d’un face-à-face filles-garçons qu’on croirait presque sorti de West Side Story ou de Grease. Blanc-noir, garçon-fille… Les frontières sont souvent brouillées. Un passage d’une troublante virtuosité met même aux prises un danseur et un instrument de musique dans une terrible lutte pour la survie… dans la jungle du plateau. De façon générale, les corps des danseurs semblent investis d’une énergie démente, à la fois captée et transmise par des mouvements rapides, souples et saccadés, dégageant une grande puissance.
La danse a trouvé son clown blanc
Seul petit bémol : certains gestes (de bras, d’épaules) apparaissent parfois moins finis, en particulier quand les musiciens entrent en scène et se mêlent aux danseurs. Cela se voit notamment dans le mouvement de basculement des épaules qui donne aux danseurs cette allure si réaliste de grands singes… En tout cas, la figure de Merlin Nyakam se détache nettement : il s’est attribué le rôle central d’une sorte de farfadet dont les facéties provoquent toutes sortes de rebondissements. Les danseurs de la troupe se donnent à fond, en groupe ou en solo. Nyakam, lui, se démultiplie, bondit, tourne et fait mille autres choses encore. Son visage est à lui seul un théâtre burlesque où se presse toute une panoplie d’expressions, amplifiées par un épais maquillage couleur craie. La danse a trouvé son clown blanc.
Et si les visages étaient finalement le vrai fil conducteur du spectacle ? Maquillés, au naturel, blancs ou noirs, d’homme ou de femme, en chair et en os ou bien en gros plan vidéo, ils forment tout au long de cette heure de récréation un tableau composite et bien vivant d’une humanité joueuse et joyeuse. ¶
Céline Doukhan
Récréation primitive, de Merlin Nyakam
Compagnie de la Calebasse • Association Cogni Art • 20, rue Labat • 75018 Paris
06 80 72 17 90 | télécopie : 01 42 57 03 77
Chorégraphie et conception vidéo : Merlin Nyakam
Danseurs : Nadège Sordet, Tony Kouad, Serge Dupont-Tsakap / Gérard Diby, Octave Agbohoun / Richard Anegbelé, Merlin Nyakam
Musiciens : Oumarou Bambara, Yvan Talbot, Cédric Yenk
Musiques : Rokia Traoré, Farinelli, Bonga Angola, Bach et l’Afrique
Son, lumières et direction technique : Emmanuel Gary
Images : Étienne Aussel
Régie vidéo : Karine Fourniols
Costumes : Chantal L’Allement
Théâtre de Fontainebleau • 6, rue Denecourt • 77300 Fontainebleau
Réservations : 01 64 22 26 91
Le 11 février 2010 à 20 h 30
Durée : 1 heure
De 8 € à 25 €