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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 16:51

Faire changer les mentalités


Par Aline Bartoli

Les Trois Coups.com


Dans le cadre d’un projet de sensibilisation des collégiens et lycéens sur le thème des violences faites aux femmes, le Studio‑Théâtre d’Asnières a accueilli « Une femme seule », l’œuvre de Dario Fo et Franca Rame, mise en scène par Véronique Widock et jouée par Ioana Crăciunescu. Un documentaire de l’anthropologue Françoise Héritier a clos cette soirée dédiée aux femmes et à leur condition.

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« Une femme seule » | © D.R.

Dario Fo, prix Nobel de Littérature en 1997, a écrit avec son épouse Franca Rame une série de monologues inspirés par les luttes du mouvement féministe italien des années 1970 pour le droit au divorce et la légalisation de l’avortement.

Avec Une femme seule, critique grinçante sur le machisme, le spectateur entre dans la peau de la voisine à qui une femme, enfermée par son mari dans leur appartement pour cause d’infidélité, va se confier. Pris à témoin, il assiste impuissant à son désespoir, à sa révolte, sa folie, mais à son humour aussi, car l’écriture de Dario Fo reste drôle. Il dédramatise ainsi une situation tragique pour mieux en diffuser le message : l’impensable se joue souvent sous les traits d’un quotidien banal et à la vue de tous.

Entre gravité et humour

Ioana Crăciunescu (Giulia), grande actrice roumaine, incarne à merveille cette femme à la fois forte et fragile, touchante et bouillonnante de vie, poussée aux frontières du supportable. Entre les violences conjugales, le harcèlement sexuel infligé par un voisin, son beau‑frère et un amour impossible, le sentiment de révolte se veut lent et progressif. Ioana Crăciunescu évite avec brio aussi bien les pièges du pathos que ceux de la franche rigolade qui feraient perdre au texte tout son sens. Le spectateur circule comme sur un fil, caresse continuellement le drame du bout des doigts, mais rit aussi avec tendresse devant cette femme courageuse qui ne manque pas d’autodérision, consciente d’être « toujours prête à l’usage comme le Nescafé ». Le jeu est ainsi finement mesuré, nuancé, les émotions virevoltent en un battement de cils avec une aisance et une maîtrise qui rendent le poids des mots encore plus incisif.

Les éléments du décor sont épurés : une chaise, une imposante baignoire, une trappe symbolisant le regard du voisin voyeur, un téléphone, sans oublier le fusil qui apparaît vers la fin quand Giulia sort de ses gonds et règle ses comptes avec ses agresseurs, virtuellement du moins. L’eau est très présente et revêt un caractère symbolique : au fil du monologue, Giulia se livre et dévoile l’adultère commis avec un homme très jeune, tentation irrésistible du désir charnel. À ce moment‑là, elle se lave le visage, comme pour se purifier de cette faute pour laquelle elle éprouve un insoutenable sentiment de culpabilité. Giulia ira jusqu’à se plonger tout entière dans la baignoire. Enfin, un des moments forts de la pièce est le récit de sa tentative de suicide dans la baignoire : la scène est suggérée, ce qui la rend encore plus éprouvante car laissée à l’imagination du spectateur.

Le documentaire de Françoise Héritier éclaire de son point de vue l’origine de la valorisation du masculin au détriment du féminin : la femme ayant la capacité de donner naissance et donc de perpétrer l’espèce, ancestralement, « posséder » une femme était un atout indéniable face aux ennemis. Le droit à la contraception serait le seul moyen d’endiguer la volonté de prise de pouvoir de l’homme sur la femme qui a malheureusement traversé les âges. 

Aline Bartoli


Une femme seule, de Dario Fo et Franca Rame

Compagnie Les Héliades • 87, rue Félix-Faure • 92700 Colombes

01 47 60 10 33

Avec le soutien du ministère de la Culture (D.R.A.C. Île‑de‑France), de la préfecture des Hauts‑de‑Seine (l’A.C.S.E.), du conseil régional d’Île‑de‑France, de la D.R.D.F.E., du conseil général des Hauts‑de‑Seine et des villes de Colombes et d’Asnières‑sur‑Seine

Mise en scène : Véronique Widock

Avec : Ioana Crăciunescu

Scénographie : Nieves Salzmann

Lumières : Pierre‑Yves Boutrand

Costumes : Didier Jacquemin

Vidéo : Éric Mariette

Son : Margarida Guia

Studio-Théâtre • 3, rue Edmond-Fantin • 92600 Asnières‑sur‑Seine

Site du théâtre : www.studio-asnieres.com

Réservations : 01 47 90 71 52

Le 13 avril 2012 à 9 h 30 et 14 heures et le 14 avril 2012 à 20 h 30

Durée : 50 min

16 € | 13 € | 11 € | 10 € | 8 € | 5 €

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