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24 mai 2009 7 24 /05 /mai /2009 09:00

Un mythe frais et dynamique


Par Ilène Grange

Les Trois Coups.com


La fantasmagorie mythologique s’invite sur les planches, et ressuscite ses créatures antiques le temps bref d’un opéra très court (à peine une heure). L’opéra en trois actes « Didon et Énée » de Henry Purcell, joué au Théâtre Molière de Sète, a révélé toute sa puissance grâce à une mise en scène à la hauteur de sa beauté baroque : lyrique et efficace. Jean-Paul Scarpitta bouscule les intemporalités propres au mythe et rencontre l’œuvre de Purcell, dans une justesse tout à la fois fantasmée et élégante.

Didon et Énée est une histoire d’amour tragique. Énée s’apprête à épouser Didon, reine de Carthage, mais de malicieux elfes et sorcières prennent l’apparence de Mercure pour ordonner à Énée de rejoindre l’Italie, afin d’y fonder Rome, et donc quitter Didon. Celle-ci met fin à ses jours.

L’opéra s’ouvre sur les préparatifs du mariage des deux amants, une scène de faste populaire où des jeunes gens dansent, rient, se font la nique, discutent. Bref, une sorte de chœur d’hédonistes qui forment une masse joyeuse. Tous ces joyeux drilles sont en costume de bain, corps presque nus, sous des étoffes collantes et suggestives. Jouer sur l’aspect corporel de ces chanteurs, dès le début de l’œuvre, les exposer dans leur corps est un choix de mise en scène fort et entier, qui correspond tout à fait à ce qu’a souhaité Purcell en donnant au chœur la première place dans ce livret.

Ce choix est central dans la direction de tout l’opéra. Le corps va tenir une part importante, parce qu’il symbolise le caractère organique de la direction de Jean-Paul Scarpitta : son mythe fait littéralement peau neuve, il prend des chairs, des formes. Le mythe se dévêt de son marbre pour devenir humain, charnel et plein de passion.

« Didon et Énée »

La sensualité et la fraîcheur sont les clefs : Jean-Paul Scarpitta a fait appel à l’Opéra junior de Montpellier, des jeunes solistes âgés de 16 à 20 ans, encadrés à la perfection par Virginie Sainte-Agathe. Le pari est risqué, les voix sont fragiles, la justesse est parfois tremblante, mais la conviction de la jeunesse et la rigueur du travail de ces jeunes gens sont touchantes, et cela accentue l’empathie déjà suscitée par le chœur en début de spectacle.

On apprécie la rigoureuse vivacité des musiciens, dirigés avec brio par Léonor de Recondo, portée par l’extraordinaire acoustique de la salle du Théâtre Molière à l’italienne.

Et c’est dans une sincère énergie que toute l’œuvre se joue, ponctuée de comédie pure, par le biais d’un personnage elfique maniéré, un véritable mime, qui brise la séparation entre la fosse des musiciens et la scène. Il singe, il provoque, il rappelle les créatures fondatrices de la comédie et, de ce fait, tisse un lien fort entre les notes baroques de Purcell et le mythe grec en scène. Ainsi le théâtre et l’opéra sont étroitement mêlés.

La mise en scène a su recréer un univers fantasmagorique de qualité, central dans l’expression du mythe. Le metteur en scène a su faire fusionner les énergies juvéniles. La symbolique des costumes et du décor soutient l’aspect merveilleux de la mythologie. Un cadre sylvestre, la présence des matières en scène, du sable, des nuages immenses peints en arrière-plan et des lumières précises, quasi palpables, permettent un véritable glissement dans l’univers si personnel de Jean-Paul Scarpitta, qui applique à sa vision de Didon et Énée, une grande élégance, empreinte d’influences esthétiques certaines, inspirées des grands maîtres, et d’une recherche dramatique fine et précise. 

Ilène Grange


Didon et Énée, de Henry Purcell

Mis en scène par Jean-Paul Scarpitta

Théâtre Molière • avenue Victor-Hugo • 34200 Sète

04 67 74 32 52

www.theatredesete.com

Vendredi 15 mai 2009 à 20 heures

De 24 € à 8 €

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