Christophe : le « beau bizarre » d’une pop sophistiquée
Par Aurore Krol
Les Trois Coups.com
Christophe est un esthète, un dandy un peu vieilli, qui trimbale avec lui des dizaines d’années de présence en pointillé sur la scène musicale française. Invité au festival Mythos, dédié aux arts de la parole, il investit la scène du Cabaret botanique pour une soirée d’exception.
Vingt-deux heures trente, début du concert. Notes de tête, de cœur et de fond, les différentes compositions vont progresser à un rythme lancinant. Si elles démarrent sur des variations autour du dernier opus, Aimer ce que nous sommes, elles progressent ensuite vers la gamme des intemporelles. Un art délicat que de distiller ainsi des mélodies en plusieurs temps, offrant d’abord à nos sens les dernières nouveautés vaporeuses pour terminer sur des essences à la saveur éternelle.
L’alchimie se manifeste vite, car cet artiste-là est un illusionniste un peu sorcier, dont les formules somptueuses sont rehaussées d’on ne sait quel mystère. Un artiste qui traverse les époques en se consumant sans compter. On devine qu’il a gardé dans les plis de son costume les parfums des nuits d’Italie, de la noblesse, de la séduction et de la débauche. Ce qu’il évoque est de l’ordre du luxe, un univers aux musiques soignées à l’extrême, perfectionnistes, dont quelque chose reste impalpable, délicat et fragile.
Christophe a beaucoup voyagé, dans des univers musicaux parfois bancals, souvent aériens, presque sublimes par moments. Flambeur, précieux, érudit, le personnage a quelque chose de fascinant : un « beau bizarre » venu des bals du samedi soir, échappant à leur ringardise en flirtant du côté du cinéma (la Route de Salina) pour finir par être consacré icône d’une pop sophistiquée. Car il teste tout, ce musicien-là. Il ose tout de sa voix improbable, éternelle, de dandy décalé et appliqué.
Christophe | © Lucie Bevillacqua
Précurseur de tendances, Christophe s’est inspiré de l’électro, a diffracté et peaufiné les possibilités sonores des synthétiseurs. Il a collaboré au jazz d’Érik Truffaz, est passé par toutes les tonalités de la musique expérimentale. S’accompagnant actuellement d’une nouvelle formation, il est entouré du guitariste Christophe Van Huffel et du pianiste Pascal Charpentier, deux musiciens virtuoses qui ont participé à son dernier album. Christophe lui-même joue d’une boîte à rythme pour un concert acoustique et sensuel, à la poésie vénéneuse.
La prestance et la séduction sont des qualités qui évoluent avec l’âge. Chez certains artistes, elles atteignent des sommets. Christophe est de ceux-là. Et le public, charmé, n’a pas envie de se séparer de sa pop experte, de son timbre cristallin utilisé comme un instrument modulable, des histoires qu’il évoque d’un ton mi-assuré mi-amusé, et qui contrastent avec les fêlures du chant.
Personne dans la salle n’a vraiment envie de le laisser partir… et l’artiste ne se fait pas prier pour prolonger un peu la magie. Avec l’élégance de ceux qui n’ont plus rien à prouver, mais qui mettent un point d’honneur à faire chavirer leur auditoire, Christophe nous permet de retrouver avec lui les Paradis perdus. ¶
Aurore Krol
Aimer ce que nous sommes, de Christophe
Chanson
Site officiel de l’artiste : www.christophe-lesite.com
Renseignements : 02 99 79 00 05
Cabaret botanique • parc du Thabor • 35000 Rennes
Vendredi 9 avril 2010 à 22 h 30
34 € | 29 € (soirée de deux concerts, à partir de 20 h 30)