« La Louve » : un animal drôle et déroutant
Par Élise Ternat
Les Trois Coups.com
Pour clore cette saison, le théâtre L’Élysée a choisi d’accueillir une nouvelle fois le travail de la Cie Monika-Neun, déjà venue la saison passée pour présenter « la Loi de Cendrillon ». Avec « la Louve », on renoue avec l’univers singulier de Julio Gueirrero. Ce chantier théâtral en forme de confidence sur fond de voyage initiatique se révèle un moment drôle et déroutant.
La Louve est un monologue pour une comédienne, un conte philosophique futuriste, dernier né de l’écriture de Guillaume Perrot, jeune comédien et dramaturge décédé prématurément à l’âge de 35 ans. Le texte nous conte le périple d’une louve dans un univers postapocalyptique, ayant quitté sa meute à la recherche de survivants humains afin d’apprendre leur langage et le fonctionnement de la cité. La Louve est un texte ambivalent, où se mêle le grotesque à la folie schizophrène d’une étrange héroïne. Plus humaine qu’animale, la louve donne vie à des personnages issus de son esprit, à moins qu’il ne s’agisse des diverses rencontres faites au fil du périple. Le thème principal est celui de l’animalité confrontée à une humanité tout à fait effrayante. Il est également question de la quête, de l’errance ou encore de la folie…
L’écriture de Guillaume Perrot est singulière et déroutante. On peut éventuellement la qualifier d’hermétique. Située aux frontières du surréalisme par moments, son lyrisme relève pourtant d’une singulière beauté. Cette singularité est mise en lumière par l’immense talent de Nathalie Rachel Legros. En effet, la comédienne accomplit là une véritable prouesse tant le jeu qu’elle offre est intense et le phrasé convaincant face à un texte pourtant difficile et exigeant. La jeune femme sait se faire inquiétante lorsque, munie de deux haches, elle s’adresse au public. Oscillant sans cesse entre joie, drôlerie, désespoir ou folie, cette louve nous semble parfois plus humaine que les humains eux-mêmes. Malgré la qualité du jeu, on regrette que le caractère angoissant du personnage ne soit pas davantage exploité. La pièce pourrait alors gagner en densité et le rythme en dynamisme.
« la Louve »
La scénographie quant à elle est tout à fait minimaliste : seule une immense bâche en plastique d’une blancheur clinique est pendue au plafond. L’espace de jeu semble alors peu profond, donnant lieu à un rapport intimiste avec la comédienne et laissant toute une part de mystère dans la partie cachée au public. Les décors se résument en une poignée d’éléments et accessoires : une table, quelques chaises, un kit de maquillage, une valise, un manteau ou encore un faux nez… Bien qu’aride, cette scénographie relève de choix judicieux parfois volontairement naïfs, mais sans fausse note, notamment en ce qui concerne les éclairages composés de couleurs primaires quelque peu outrancières et de tonalités plus tamisées. La dimension sonore, enfin, consiste en une bande-son discrète mais très efficace signée Laurent Pessin.
De cette dernière création de la Cie Monika-Neun, on peut dire qu’elle est un objet théâtral aussi étrange que déroutant. Le seul vrai regret vis à vis de ce travail concerne le rythme bien trop répétitif sur les dernières minutes de jeu. L’intrigue, alors trop linéaire, ne semble pas assez vive pour tenir le spectateur en haleine. Cela n’enlève heureusement rien au potentiel de ce chantier, qui bien qu’encore inabouti ne manque pas de talent. ¶
Élise Ternat
La Louve, de Guillaume Perrot
Texte : Guillaume Perrot
Mise en scène : Julio Guerreiro
Dramaturgie et assistance à la mise en scène : Anne-Laure Sanchez
Jeu : Nathalie Rachel Legros
Musique : Laurent Pessin
Lumière : Jérôme Aubert
Production : Monika Neun
L’Élysée • 14, rue Basse-Combalot • 69007 Lyon
Métro : Guillotière
Réservations : 04 78 58 88 25
Du 24 au 26 juin et du 28 au 30 juin 2010 à 19 h 30
Durée : 1 h 20
12 € | 10 €
