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14 février 2010 7 14 /02 /février /2010 17:32

Une « Lutine » qui piétine


Par Sarah Bussy

Les Trois Coups.com


Calderón, qui nous a davantage habitués en France à un univers sombre, avec, par exemple, « La vie est un songe », nous montre ici une autre facette de son œuvre : les comédies de cape et d’épée. « La Lutine », ou Dame fantôme, en est la plus connue. Si l’intrigue amoureuse de cette pièce destinée à la jeunesse dorée madrilène du xviie siècle reste, somme toute, très simpliste, on y reconnaît la patte poétique de l’auteur.

Doña Angela, une jeune veuve éplorée, sort de chez elle en cachette pour échapper à la jalousie de ses deux frères, Don Luis et Don Juan. Lors d’une de ses éphémères sorties nocturnes, son regard croise celui de Don Manuel, dont elle s’éprend immédiatement.Elle apprend que celui-ci est un ami de ses frères hébergé dans sa propre maison. Elle décide alors d’entrer en contact avec lui, sous la forme de petits billets qu’elle lui laisse discrètement en entrant dans sa chambre. Et ce, grâce à une armoire à double fond dont elle seule connaît le secret. Tout tourne donc autour de cette armoire, des allers et venues de Doña Angela et de la psychose que ceux-ci suscitent chez Don Manuel. Sans compter son valet, Cosme, qui pense tenir là une preuve de l’existence de fantômes ou de lutins maléfiques…

Et c’est d’ailleurs en grande partie la présence de ce valet de commedia dell’arte paresseux, menteur, voleur et couard à souhait, très joliment interprété par Jean-Claude Fernandez, qui participe à l’effet comique de cette comédie. En tout cas, le discours des autres personnages est souvent un peu lourd. À quoi est-ce dû ? Soit à la difficulté de traduction du texte très explicatif de Calderón, soit au parti-pris d’une mise en scène stigmatisant par trop la désuétude et le ridicule des codes sociaux de la bourgeoisie espagnole.

lutine nicolas-brackez

« la Lutine » | © Nicolas Brackez

De fait, si les rôles féminins, Doña Angela (Caterina Barone) notamment, sont assez finement interprétés, les rôles masculins, quant à eux, sonnent souvent faux. Don Manuel représente le cliché de l’hidalgo ténébreux prêt à dégainer son épée chaque fois que son honneur est en jeu. Les duels surfaits, lents et faussement chorégraphiés, qui s’ensuivent, ne font qu’ajouter à l’impression d’une caricature. Une caricature qui pourrait éventuellement être drôle si elle était poussée jusqu’au bout, mais qui s’effondre ici sous le poids du classicisme de l’ensemble. Les costumes aussi, tantôt modernes, tantôt stéréotypés des grandes dames de l’époque, donnent des airs amateurs à un spectacle qui ne l’est pourtant pas.

Heureusement, la poésie de Calderón parvient tout de même à créer une atmosphère un peu magique, que l’on retrouve dans cette mise en scène d’Hervé Petit : tout se passe au crépuscule, entre le hululement des hiboux et le crissement des feuilles. La salle elle-même, avec ses hauts murs de pierre et son sol pavé, se prête parfaitement à l’ambiance. La lumière vacillante et incertaine des bougies est propice aux dissimulations, aux intrigues galantes, aux peurs les plus folles. Quand les uns se cachent, les autres cherchent… En tout cas, malgré des moments réussis, le tout manque sérieusement de rythme et de fantaisie. On attendrait un peu plus de folie de cette Lutine, qui demeure hélas très « plan-plan » et peu excitante. Mais peut-être le texte lui-même y est-il pour quelque chose ? 

Sarah Bussy


La Lutine, de Calderón

Compagnie La Traverse • 4, boulevard Auguste-Blanqui • 75013 Paris

01 43 36 47 85 

herve-latraverse@hotmail.fr

Mise en scène et adaptation : Hervé Petit

Assistante à la mise en scène : Catherine Perrotte

Avec : Karim Abdelaziz, Charlotte Adrien, Caterina Barone, Béatrice Laout, Jean-Claude Fernandez, Jean-Marc Menuge, Antoine Roux

Création décors et costumes : Caroline Mexme

Création lumière : Laurent Vérité

Création sonore : Viviane Redeuilh

Théâtre de l’Opprimé • 78, rue du Charolais • 75012 Paris

www.theatredelopprime.fr

Réservations : 01 43 40 44 44

Du 3 février au 7 mars 2010, du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 17 heures

Durée : 2 heures

16 € | 12 € | 10 €

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