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10 août 2014 7 10 /08 /août /2014 14:24

Galliano et Marsalis :
le charme est intact


Par Jean-François Picaut

Les Trois Coups.com


Trompette, accordéon, piano, vibraphone : cette soirée qui peut paraître éclectique a pourtant son fil rouge, l’émotion musicale.

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Richard Galliano et Winton Marsalis

© Jean-François Picaut

Kenny Barron accueille Stefon Harris : une belle rencontre

Ce soir, Kenny Barron, le grand pianiste américain venu de Philadelphie, accueille son cadet de trente ans, le vibraphoniste Stefon Harris pour un dialogue fructueux.

Dès les premières notes de Shuffle Boil (Thelonious Monk, It’s Monk Time, 1964), on reconnaît le toucher précis et chaleureux de Kenny Barron, et ça balance. Au marimba, Stefon Harris montre que frappe nette et virtuosité peuvent rimer avec musicalité. Cook’s Bay (K. Barron) commence comme une très délicate et très prenante mélodie, discrètement accompagnée par la batterie (Johnathan Blake) et la contrebasse (Kiyoshi Kitagawa), qui signe aussi un solo plein de douceur. Stefon Harris y pose élégamment ses notes de vibraphone et de marimba mêlées. Dans Softly as in the Morning Rise (Barron), le batteur, qui n’est pas un cogneur, dévoile ses qualités de fin rythmicien. Et s’il est capable de la plus grande virtuosité, il semble surtout occupé de sonorités. On apprécie les douces harmonies de Rain (Barron), solo de piano. Mais le soleil et le rythme dansant de Calypso (Barron) viennent nous égayer. Stefon Harris y montre une nouvelle fois tout son talent, et c’est une ballade qui vient, en rappel, conclure ce concert où l’émotion musicale était partout présente.

Winton Marsalis et Richard Galliano, From Billie Holiday to Edith Piaf : le charme fait toujours son effet

Le second concert de la soirée offrait la reprise de la fameuse soirée du 13 août 2008 gravée sur C.D. et sur D.V.D., avec le même personnel. Bien que le programme soit identique à deux exceptions près (Comes Love en ouverture et Miss Brown to You en rappel), le charme n’a rien perdu de sa force.

Le premier tonnerre d’applaudissements salue la Foule et la performance de Winton Marsalis, dont la trompette rend admirablement le tourbillon de la chanson. La longue exposition puis le solo de Walter Blanding (saxophone ténor) traduisent toute l’urgence fiévreuse qui caractérise Them There Eyes. L’accordéon de Galliano fait merveille pour introduire la complainte Padam. La trompette de Marsalis et le saxophone soprano de Blanding, cette fois, en expriment l’aspect déchirant. C’est une merveille de voir la compréhension intime de l’univers musical propre à Piaf qu’ont ces musiciens américains. What a Little Moonlight Can Do to You fournit à Ali Jackson (batterie) l’occasion de montrer l’étendue de son talent par un travail rythmique et sonore très délicat, successivement sur la seule charleston, puis sur ses caisses claires avec quelques accents de tom grave avant de terminer par les seules baguettes. Chapeau ! Sur ce titre, Galliano et Marsalis signent chacun un solo très brillant et virtuose. La rupture est franche avec Billie, l’admirable ballade composée par Galliano en hommage à la grande chanteuse. C’est le contrebassiste Carlos Henriquez qui se distingue particulièrement dans Sailboat in the Moonlight.

Mais le pic de l’émotion (est-ce si surprenant ?) est atteint avec Strange Fruit. Les arrangements mettent en valeur le caractère dramatique de la chanson, et Marsalis y est exceptionnel, accompagné par de brusques coups de tambourin et des accords graves inquiétants au piano (Dan Nimmer). On y entend une marche funèbre à l’accordéon, rendue plus dramatique encore par des roulements de tambour. Quant au chant, confié à la trompette et à la clarinette (Walter Blanding), il est proprement déchirant. L’émotion ne retombe plus ensuite avec l’Homme à la moto et, bien sûr, la Vie en rose.

Comment ne pas être reconnaissant à ces artistes de nous faire vivre de telles sensations ? 

Jean-François Picaut


Jazz in Marciac, 37e édition

Du 28 juillet au 17 août 2014 à Marciac (Gers)

Réservations : 0892 690 277 (0,34 € / min)

Site : www.jazzinmarciac.com

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9 août 2014 6 09 /08 /août /2014 16:13

Deux grandes dames


Par Jean-François Picaut

Les Trois Coups.com


Pour la deuxième soirée consacrée à la voix féminine, Jazz in Marciac 2014 nous a présenté deux chanteuses que les générations séparent mais que le talent réunit.

Cécile McLorin Salvant : comment ne pas succomber ?

dee-dee-bridgewater-300 jf-picaut C’est avec un très grand plaisir que je retrouve, une fois encore, Cécile McLorin Salvant. Elle ne me décevra pas.

Le concert commence avec Nobody (Bert Williams), en duo avec le pianiste Aaron Diehl pour les passages les plus graves et les plus dramatiques, avec un léger accompagnement de Paul Sikivie (contrebasse) et Jaminson Ross (batterie) pour les passages plus légers où elle adopte sa voix de femme-enfant. Pour son premier passage à Marciac, l’accueil est déjà grandiose.

Il se poursuit avec If This Isn’t Love the Whole World Is Crazy. C’est l’occasion d’apprécier ses progrès de comédienne : pendant le remarquable solo de son pianiste, comme un acteur en scène qui ne parle pas, elle continue d’être dans le jeu.

Je découvre l’admirable interprétation de Personne, qu’avait interprété Damia. Découverte aussi de son interprétation de You Bring out the Savage in Me, chanson des années 1930 avec des registres très différents. Ce sont en revanche des retrouvailles émues avec Stepsisters’ Lament et John Henry puis avec le bouleversant Mal de vivre de Barbara.

On a comparé Cécile McLorin Salvant à Ella Fitzgerald, Billie Holiday, Nina Simone… : toutes ces comparaisons flatteuses sont vaines. De concert en concert, cette jeune femme de 25 ans devient tout simplement elle-même : une grande chanteuse.

Dee Dee Bridgewater : le charisme et l’énergie

Pour Dee Dee Bridgewater, c’est le onzième passage à Jazz in Marciac. Le précédent remontait à 2008, « une éternité », selon elle. Pour son retour, Dee Dee est accompagnée d’un tout jeune groupe, celui du trompettiste Theo Croker dont elle vient de produire le premier album. C’est ce groupe qui ouvre le concert et le public peut déjà se rendre compte de la pertinence du choix effectué par la chanteuse. Ces jeunes musiciens, c’est tout simplement de la dynamite, spécialement le leader et le saxophoniste Irwin Hall.

Dès le premier titre, Afro Blue, le public du chapiteau est sous le charme. Tout le talent de Dee Dee Bridgewater s’y trouve : graves profonds, articulation sans faille, sens de l’espace scénique et un premier scat qui illustre l’admirable ductilité de sa voix.

Blue Monk (Thelonious Monk / Abbey Lincoln) se distingue par l’interprétation très sensuelle qu’elle en fait et un numéro extraordinaire de scat, où elle imite la trompette et un peu le trombone, avant d’être elle-même imitée par le trompettiste. Dans la salle, c’est le délire. A Foggy Day est interprété de façon très énergique et comporte un brillant scat d’imitation de la contrebasse. Dee Dee commence et termine le morceau comme si elle était le troisième souffleur du groupe !

Il faudrait tout citer. Contentons-nous de God Bless the Child (Billie Holiday) dans une interprétation dramatique pleine de force. L’hommage rendu à Horace Silver avec Saint Vitus Dance est empreint d’émotion comme le salut qu’elle adresse à Abbey Lincoln avec Music Is the Magic. Le concert s’achève de façon plus ludique et dansante avec Livin’ for the City de Stevie Wonder.

Ce soir, Dee Dee Bridgewater a confirmé sa grande générosité comme artiste en y ajoutant une corde au service du talent de jeunes musiciens. Bravo ! 

Jean-François Picaut


Jazz in Marciac, 37e édition

Du 28 juillet au 17 août 2014 à Marciac (Gers)

Réservations : 0892 690 277 (0,34 € / min)

Site : www.jazzinmarciac.com

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8 août 2014 5 08 /08 /août /2014 16:49

Vendetta !


Par Aurélie Plaut

Les Trois Coups.com


« Lorenzaccio » à la table de Don Vito Corleone ? Pourquoi pas. C’est en tout cas le parti pris de Francis Huster dans une mise en scène moderne et très « mafieuse » du drame romantique d’Alfred de Musset. Le public du festival Théâtre in situ de Carqueiranne applaudit malgré quelques fausses notes.

francis-huster-300 i- mareski Comment ne pas s’étonner d’être accueilli par le metteur en scène lui-même au début d’un spectacle ? C’est en effet ce que fait Francis Huster. Dans un préambule plutôt déroutant, il mêle cours d’histoire du théâtre et analyse de l’œuvre qu’il présente durant quatre soirées au festival Théâtre in situ de Carqueiranne. Son discours pro domo passe tout en revue : la genèse de l’œuvre ; le fait que Musset, de son vivant, n’aura pas vu son texte joué ; que Sarah Bernhardt fut la première à programmer Lorenzaccio dans son théâtre et qu’elle interpréta d’ailleurs le rôle de Lorenzo de Médicis ; qu’il s’est inspiré de l’interprétation de Marguerite Jamois pour diriger Alice Carel ; bref, il donne une interview avant l’heure.

Mais pourquoi diable justifier son parti pris ? Pourquoi demander aux spectateurs de ne pas sortir, de tenir bon malgré la durée (deux heures et demie, rien de très impressionnant !) ? Pourquoi insister sur les choix scénographiques (la modernité des costumes de Christian Dior) comme si nous étions incapables, nous, de comprendre et de rêver ? Plutôt étrange… Alors, on se dit tout bas : « Mon dieu, ça commence mal ! ». Mais, comme Francis Huster est annoncé comme « le Narrateur », on accepte et on finit par se convaincre que cela fait partie intégrante du spectacle.

Après Denis Podalydès et son excellente Lucrèce Borgia à la Comédie-Française, après celle, plus « trash », de David Bobée à Grignan, le spectateur varois se voit plongé dans la Florence des Médicis au début du xvie siècle. En 1527, le duc Alexandre de Médicis est placé à la tête de la ville toscane par le pape Clément VII et l’empereur Charles Quint. Banni de Rome pour avoir décapité les statues de l’arc de Constantin, Lorenzo de Médicis, le cousin du duc, le rejoint et devient son entremetteur et son « espion ». Les deux jeunes gens mènent une vie de débauche, et derrière les masques, la cruauté n’est pas loin… Se joue alors le projet de vie de Lorenzo : l’assassinat de son cousin.

Détruire le « quatrième mur » ?

La mise en scène de Francis Huster est, dans l’ensemble, plutôt réussie. Mais que dire des micros qui viennent manger le visage des artistes ? Bien que le metteur en scène l’ait justifié comme une prise en considération du confort du public, ce n’est pas une réussite. On souffre avec les comédiens qui doivent être encombrés plus qu’autre chose par ce caprice de modernité. S’il avait voulu détruire le « pont de sensibilité » qu’il invoque, M. Huster n’aurait pas mieux fait. Les micros reconstruisent le « quatrième mur » que le théâtre détruit habituellement. Quel dommage ! Heureusement, le texte de Musset et les comédiens nous permettent de le traverser.

D’emblée, le décor nous indique (maladroitement ?) que nous nous trouvons en Italie. Une Vespa trône au centre de la scène. Une Vespa « vintage », blanche et rouge. On s’attend à ce que les comédiens l’enjambent et fassent vrombir le moteur. Mais non ! Rien que du decorum… Le véhicule ne bougera pas, et son rétroviseur servira au mieux à ce que les personnages féminins s’y admirent subrepticement.

Son utilité est bien celle de nous plonger au cœur du xxe siècle. Le drame romantique peut nous concerner, nous, au même titre qu’il avait concerné les lecteurs du xixe siècle lorsqu’ils y lisaient une critique des évènements de 1830. L’Histoire comme un éternel recommencement. Le pouvoir corrompu, perverti, inhumain. Les conspirations, les trahisons, les abus de pouvoir, les malversations. Tout y est ! Ici, les règlements de comptes ne se font pas à l’épée mais au Beretta. Bref, la Sicile du Parrain n’est pas loin, et cela marche à merveille.

Alice Carel : un Lorenzo dont la beauté froide est glaçante

Sans conteste, cette réussite est due au talent des comédiens dont le jeu, pour certains, est de grande qualité. Alice Carel campe un Lorenzo dont la beauté froide est glaçante. On la croirait tout droit sortie d’un manga : blouson, jean slim noir, bottes, cheveux blonds attachés, elle est si androgyne que l’illusion opère. Sa perversion est éclatante, son allure, vampirique. La scène de l’entretien avec Philippe Strozzi (Simon Eine), le vieillard décrépit, est captivante.

En tout cas, l’énergie des comédiens ne peut qu’entraîner le public dans le projet d’assassinat. On est derrière Lorenzo, avec lui, et on attend l’heure du duc… Il faut dire que Pierre Boulanger fait d’Alexandre de Médicis un homme détestable, violent, machiavélique, avide de chair et de sang, pour qui le public ne saurait avoir de compassion. On est presque content de voir Lorenzo lui asséner six coups de poignard avec hargne.

Et que dire du Cardinal Cibo dont l’hypocrisie coupe le souffle ? Frédéric Haddou fait ressortir le caractère mielleux et calculateur de l’ecclésiastique. Ses échanges avec la Marquise Cibo (Valérie Crunchan) révèlent combien le haut clergé de l’époque se moquait des vœux de chasteté et pouvait se montrer fin stratège…

Des hommes de main

Le Marchand et l’Orfèvre ont, quant à eux, des airs de Gina Lollobrigida. Géraldine Szajman (le Marchand) et Pauline Deshons (l’Orfèvre) sont drôles derrière leurs lunettes « papillon », sorties des années 1960. Elles cancanent comme des mégères sur une place de marché. Sylvain Mossot (Giomo le Hongrois) et Olivier Dote Doevi (Scoronconcolo) ont une allure qui n’est pas sans évoquer celle des hommes de main, ceux qui font le « sale boulot » dans l’ombre, à la place des puissants. Le sentiment est plus mitigé concernant la jeune Strozzi. Toscane Huster n’excelle pas dans le rôle de Louise : son jeu n’est pas juste, ses gestes sont maladroits et trop « théâtraux ».

La Troupe de France et ses dix-sept comédiens aura eu le mérite de proposer une lecture contemporaine du texte de Musset et de mettre au jour son caractère résolument moderne. Aussi, malgré les fausses notes, on finit par applaudir de bon cœur et par se souvenir de la musique de Nino Rota. 

Aurélie Plaut


Lorenzaccio, d’Alfred de Musset

Par la Troupe de France

Administration : Serge Colling

Mise en scène : Francis Huster

Avec : Pierre Boulanger (Alexandre de Médicis), Alice Carel (Lorenzo de Médicis), Sylvain Mossot (Giomo le Hongrois), Olivier Dote Doevi (Scoronconcolo), Nicolas Pietri (Julien Salvati), Romain Emon (Sire Maurice), Morgane Real (Tebaldeo), Frédéric Haddou (Cardinal Cibo), Yves Le Moign (Marquis Cibo), Simon Eine (Philippe Strozzi), Frédéric Siuen (Pierre Strozzi), Colleen Grandordy (Maffio), Valérie Crunchant (Marquise Cibo), Toscane Huster (Louise Strozzi), Odile Cohen (Marie Soderini), Katia Miran (Catherine Ginori), Géraldine Szajman (le Marchand), Pauline Deshons (l’Orfèvre), Francis Huster (le Narrateur)

Costumes : Christian Dior

Musique : Elio di Tanna

Organisation : Julien Oheix

Photo de Francis Huster : © I. Mareski

Festival Théâtre in situ • fort de la Bayarde • 83320 Carqueiranne

Réservations : 04 94 01 40 26 / 04 94 01 40 46

Du 6 au 9 août 2014, à 21 h 30

Durée : 2 h 30

30 € │ 27 € │ 12 €

Gratuit pour enfants de moins de 8 ans

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7 août 2014 4 07 /08 /août /2014 21:24

Vous avez dit magie ?


Par Jean-François Picaut

Les Trois Coups.com


L’un est un monument de l’histoire de la musique aux xxe et xxie siècles. L’autre, quadragénaire, est reconnu comme l’un des meilleurs trompettistes du moment. Ce soir, Jazz in Marciac accueille Nicholas Payton et Ahmad Jamal !

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Ahmad Jamal | © Jean-François Picaut

Le premier concert de la soirée réunissait le trio de Nicholas Payton (trompette, clavier et chant) et l’ensemble instrumental de Gascogne sous la direction de Bob Belden pour un programme ambitieux, Sketches of Spain, dans la version orchestrée par Gil Evans pour Miles Davis. Sauf peut-être dans le premier titre, Two de Nicholas Payton, l’orchestre trouve sa place aussi bien auprès du soliste que du trio. L’intégration est particulièrement réussie dans The Pan Piper et dans Solea (Gil Evans) comme dans le Concerto d’Aranjuez (Joaquín Rodrigo). Payton nous y régale d’aigus charnus ainsi que de graves profonds et veloutés dont il a le secret. On repère des accents de Miles dans les passages à la trompette bouchée. Saeta (Gil Evans) [une pièce inspirée par un chant traditionnel de la semaine sainte en Espagne] nous surprend toujours par ses passages quasi militaires au tambour qui contrastent tant avec ce que joue la trompette ! Payton chante honorablement dans When I Fall in Love (Victor Young et Edward Heyman, 1952) et dans le bis avec le trio seul, I Wanna Stay in New Orleans (Payton), de même qu’il joue honnêtement du clavier, mais on préfère nettement ses aigus sublimes, y compris dans de très longues tenues, sa modulation subtile à la trompette. N’y a-t-il pas là une énergie inutilement gaspillée ? Et peut-être une explication à l’apathie d’une bonne partie du public pendant une moitié du concert.

Ahmad Jamal quartette : décollage immédiat pour les nuages

La tension monte d’un cran dans l’attente d’Ahmad Jamal, (pourtant) un habitué du festival. Ce soir, Ahmad Jamal revisite sa très longue carrière (il a tout de même 84 ans !) à grands traits. Nous entendrons bien sûr des titres de ses deux derniers albums, Blue Moon (2012) et Saturday Morning (2013), parus chez Jazz Village, mais aussi des titres parus chez Dreyfus Music au début des années 2000 et même des pièces datant de 1978 et 1961.

Les membres du trio qui l’accompagne depuis quelque temps (Reginald Veal à la contrebasse, Herlin Riley à la batterie et Manolo Badrena aux percussions) font leur entrée un par un, puis c’est le tour du maître qui est follement acclamé et semble charmé de cet accueil.

Le début du concert est très tonique. Comme d’habitude, Ahmad Jamal donne le signal de départ à chacun de ses acolytes. Ce soir, le maestro est très souriant, jovial même, et ne dédaigne pas quelques facéties comme de brusques passages dans les ultragraves avec un geste non dénué d’emphase. La complicité, la connivence entre les quatre musiciens semble plus grande que jamais. Strollin (un titre d’Horace Silver), où le jeu d’Ahmad Jamal est particulièrement extraverti, déclenche un tonnerre d’applaudissements. Silver (tiré de Saturday Morning) est une mélodie pleine d’une grâce et d’une légèreté que souligne encore le percussionniste dans les aigus. Devil’s in My Den (Dreyfus Music, 2003), une pièce bien chaloupée, permet au contrebassiste (remarquable tout au long du concert) et au percussionniste de se distinguer, surtout dans les passages inquiétants et répétitifs du milieu. J’ai bien aimé aussi l’élégante et gracieuse mélodie d’Autumn Rain (Blue Moon) où l’on s’attend à chaque instant à ce qu’une voix s’élève.

Vous l’avez compris, une fois de plus, Ahmad Jamal, le magicien, nous a transportés sur un nuage, jusqu’au très long rappel qui fut l’occasion de réentendre chacun et d’apprécier l’extraordinaire communion musicale du quartette. 

Jean-François Picaut


Jazz in Marciac, 37e édition

Du 28 juillet au 17 août 2014 à Marciac (Gers)

Réservations : 0892 690 277 (0,34 € / min)

Site : www.jazzinmarciac.com

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7 août 2014 4 07 /08 /août /2014 19:06

Sur la route des joyaux romans


Par Florent Coudeyrat

Les Trois Coups.com


En deux magnifiques concerts de musique de chambre, le Festival Pablo-Casals de Prades permet de découvrir deux des plus beaux édifices religieux du Roussillon. Laissez-vous tenter !

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Niklas Shmidt | © Nemo Perier Stefanovitch

Situé dans les hauteurs des contreforts orientaux du massif du Canigou, le magnifique prieuré de Serrabone, chef-d’œuvre de l’art roman en Roussillon, se mérite. Une longue route sinueuse permet d’y accéder, dévoilant un paysage sauvage empli de chênes et d’oliviers, source d’un émerveillement constant pour les yeux. Arrivé au but, le visiteur n’est pas au bout de ses surprises, la découverte de l’intérieur du prieuré donnant à admirer une tribune de marbre rose aux colonnes ornées de splendides chapiteaux sculptés d’un riche bestiaire médiéval. C’est dans ce cadre enchanteur que se tient l’un des concerts du festival de musique de Prades, la plupart des autres manifestations ayant traditionnellement lieu dans le cadre de l’abbaye Saint-Michel de Cuxa.

On retrouve le directeur artistique du Festival, le clarinettiste Michel Lethiec, pour présenter le concert en quelques phrases percutantes. Un fil conducteur entre les différents compositeurs : la déprime ! Si l’on connaît bien les fragilités psychologiques de Saint-Saëns ou Tchaïkovski, les états d’âme de Mikhaïl Glinka (1804-1857) sont moins fameux. Composé suite à une rupture amoureuse, son Trio pathétique en ré mineur fait appel à des instruments pour vents aux tonalités basses (clarinette et basson) accompagnés d’un piano plutôt discret. Rien de finalement très sombre dans cette œuvre aux mélodies de plus en plus élaborées au fil de son déroulé, interprétée idéalement dans l’écrin du Prieuré.

L’irrésistible talent mélodique de Tchaïkovski

Auparavant, une petite œuvre rare de Saint-Saëns avait été donnée par un insolite ensemble piano, flûte, clarinette et hautbois. Une œuvre malheureusement peu inspirée de son auteur, assez scolaire, les instruments jouant souvent à tour de rôle pour faire briller leurs différentes qualités individuelles. Les interprètes font ce qu’ils peuvent pour tirer cette œuvre de l’oubli, mais l’on préférera s’en tenir aux œuvres plus éminentes du compositeur français. Fort heureusement, la toute dernière partie du concert nous permet de retrouver le Quatuor à cordes n° 1, de Tchaïkovski, chef-d’œuvre du répertoire de chambre. Une œuvre de jeunesse emplie d’une fraîcheur naïve où perce, déjà, l’irrésistible talent mélodique du maître russe.

À l’instar du concert de la veille, le Talich Quartet évite tout sentimentalisme, substituant à la narration une vision éloquente et dynamique. La mélodie principale n’est absolument pas privilégiée au détriment des contre-chants, tous marqués d’une égale couleur. Dans cette optique, le mouvement lent pris dans un tempo assez rapide exalte le deuxième thème malicieux et espiègle au violoncelle en pizzicato. Également repris en bis, ce morceau conclut le propos sur une note émouvante. Le second concert du jour se déroule comme la veille en l’abbaye Saint-Michel de Cuxa, où l’on retrouve cette fois un contemporain de Tchaïkovski, Dvořák.

La délicatesse des phrasés de Philippe Muller

Œuvre peu connue, son Terzetto pour deux violons et alto, au lyrisme prenant permet à Olivier Charlier de démontrer une belle autorité au premier violon, tandis que Kyoko Takezawa lui répond avec ardeur, secondée par un Bruno Pasquier toujours vaillant à l’alto. Après cette pétillante mise en bouche, Philippe Muller offre à la magnifique Sonate pour violoncelle et piano, de Rachmaninov toute la délicatesse de ses phrasés, très à l’aise dans les passages lyriques. Solidement soutenu par Emmanuel Strosser au piano, il compense sa faible projection par une attention aux détails particulièrement marquante dans le superbe mouvement lent.

Le concert se conclut avec une œuvre du rare Ernő Dohnányi (1877-1960), contemporain de Rachmaninov. Un compositeur influencé par Brahms, qui compense un certain classicisme par de sautillants emprunts au jazz, notamment dans les deux derniers mouvements. Le concert est marqué par un petit incident lorsque André Cazalet, remarquable cor solo de l’Orchestre national de France, interrompt ses comparses pour annoncer au public qu’il a oublié une partie de la partition en coulisses ! Le concert reprend, avant qu’une semblable intervention ne soit faite par le premier violon lors du bis, repris lui aussi derechef dans une bonne humeur délicieusement contagieuse. 

Florent Coudeyrat


Romances russes : œuvres de Saint-Saëns, Glinka et Tchaïkovski

Camille Saint-Saëns : Caprice sur des airs danois et russes, opus 79

Avec : Patrick Gallois (flûte), Jean-Louis Capezalli (hautbois), Isaac Rodriguez (clarinette), Natsuko Inoue (piano)

Mikhaïl Glinka : Trio pathétique en ré mineur

Avec : Michel Lethiec (clarinette), Carlo Colombo (basson), Emmanuel Strosser (piano)

Piotr Ilitch Tchaïkovski : Quatuor à cordes n° 1 en ré majeur, opus 11

Avec le Talich Quartet : Jan Talich Jr. (violon 1), Roman Patočka (violon 2), Vladimír Bukač (alto), Petr Prause (violoncelle)

http://quatuortalich.com/

Prieuré de Serrabone • 66130 Boule-d’Amont

Samedi 2 août 2014 à 18 heures

De 10 € à 37 €

Sur la route de l’Est : œuvres de Dvořák, Rachmaninov et Dohnányi

Antonín Dvořák : Terzetto en ut majeur pour deux violons et alto, opus 74, B.148

Avec : Olivier Charlier (violon 1), Kyoko Takezawa (violon 2), Bruno Pasquier (alto)

Serguei Rachmaninov : Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur, opus 19

Avec : Philippe Muller (violoncelle), Emmanuel Strosser (piano)

Ernő Dohnányi : Sextuor en ut pour piano, cordes et vents, opus 37

Avec : Mihaela Martin (violon), Hartmut Rohde (alto), Niklas Schmidt (violoncelle), Isaac Rodriguez (clarinette), André Cazalet (cor), Oliver Triendl (piano)

Abbaye Saint-Michel de Cuxa • route de Taurinya • 66500 Codalet

http://abbaye-cuxa.com/

Site du Festival : http://prades-festival-casals.com

Réservations : 04 68 96 33 07

Courriel de réservation : contact@prades-festival-casals.com

Samedi 2 août 2014 à 21 heures

De 10 € à 37 €

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6 août 2014 3 06 /08 /août /2014 13:50

Radieux Talich


Par Florent Coudeyrat

Les Trois Coups.com


Comme chaque année, le Festival de Prades est « le » rendez-vous incontournable des amateurs de musique de chambre. En résidence pour l’été, l’excellent Talich Quartet nous offre un précieux programme de « grands quatuors » pour fêter ses cinquante ans d’existence.

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Talich Quartet | © Nemo Perier Stefanovitch

On doit la création du Festival de Prades à Pablo Casals, l’un des plus grands virtuoses du violoncelle au xxe siècle. Personnalité engagée autour des idéaux de la démocratie, le Catalan s’oppose vivement au nazisme en refusant de se produire en Allemagne dès 1933, puis dans son propre pays lorsque la dictature franquiste s’impose à partir de 1939. Dès lors, Casals se mure dans un profond silence, refusant toutes les invitations à jouer, et s’installe tout près de la frontière espagnole dans la charmante sous-préfecture de Prades (à 45 km de Perpignan), aidant ses nombreux compatriotes réfugiés * dans la région.

Casals ne sort de son silence musical qu’en 1950, convaincu par ses amis de fêter le bicentenaire de la mort de Jean‑Sébastien Bach : le Festival Pablo‑Casals à Prades est né. La manifestation, qui n’était pourtant pas destinée à se renouveler, devient annuelle, se spécialisant dans la promotion de la musique de chambre. Rien d’étonnant à cela, tant Casals s’est admirablement illustré dans ce répertoire avec le pianiste Alfred Cortot et le violoniste Jacques Thibaud. Figurant parmi les plus anciens festivals de musique d’Europe, Prades accueille chaque année la fine fleur des instrumentistes, dont cette année les quartettes Artis et Talich en résidence.

Un Mendelssohn inhabituellement sombre

C’est précisément la formation tchèque que l’on retrouve pour un concert consacré aux grands quatuors du répertoire. Un évènement un peu particulier puisqu’il s’agit de fêter le cinquantième anniversaire de cet ensemble, créé en 1964 par Jan Talich, neveu du célèbre chef d’orchestre Václav Talich. Entièrement renouvelé en 1990, le quartette est désormais mené par le fils de son fondateur, Jan Talich Junior, au premier violon. Dans la magnifique abbaye de Saint-Michel de Cuxa, aux délicates arcades de marbre rose, les quatre hommes commencent leur programme par le dernier quatuor de Felix Mendelssohn (1809-1847). Un des tout derniers chefs-d’œuvre du grand maître allemand, composé peu de temps après le décès de sa sœur Fanny, où Mendelssohn se laisse porter vers des teintes sombres inhabituelles chez lui, dévoilant une profondeur d’inspiration bouleversante.

Les Talich abordent cet opus avec une remarquable cohésion, refusant toute folie interprétative pour privilégier une vision objective d’une précision redoutable. Entre délicatesse et intériorité, toute effusion est systématiquement refusée au profit d’une pudeur à la violence sourde, capable de se déchaîner dans un finale virtuose mené à un tempo d’enfer. Une même optique est adoptée pour le Quatuor nº 8 de Chostakovitch, d’une ampleur quasi symphonique. Aux scansions dramatiques du début répondent les superbes passages suspendus où l’éventail de couleurs de l’alto fait merveille. Un altiste volontiers malicieux lorsqu’il se tourne vers l’assistance, prenant un réel plaisir à jouer devant ce public de connaisseurs.

Avec Bedřich Smetana, le tempo retenu fait place à une lisibilité un rien trop analytique, mais qui parvient à captiver par ses césures bien marquées, autour d’une lecture qui ne surjoue jamais le drame dans son autorité radieuse. Là encore, l’œuvre fait place au tragique, le compositeur tchèque l’ayant écrite alors que sa surdité devenait, comme Beethoven, définitive. Résumé de sa vie, ce quatuor fait également place à un lyrisme débordant dans les premiers mouvements, à la veine mélodique irrésistible.

En bis, les Talich jouent la décontraction et l’humour avec une œuvre de Piazzola aux airs de tango, avant d’entonner d’irrésistibles variations sur le thème de l’anniversaire, provoquant l’hilarité du public. Une conclusion joyeuse pour ces habitués fidèles du Festival Pablo-Casals. 

Florent Coudeyrat


* On pourra lire à ce sujet les différents romans en grande partie autobiographiques de l’écrivain Michel del Castillo, dont le poignant Tanguy (Folio, 1957).


Grands Quatuors : œuvres de Mendelssohn, Chostakovitch et Smetana

Felix Mendelssohn : Quatuor à cordes en fa mineur, opus 80

Dmitri Chostakovitch : Quatuor nº 8 en ut mineur (opus 110)

Bedřich Smetana : Quatuor nº 1 en mi mineur « De ma vie »

Concert anniversaire du Talich Quartet au Festival Pablo‑Casals à Prades

Avec le Talich Quartet : Jan Talich Jr. (violon 1), Roman Patočka (violon 2), Vladimír Bukač (alto), Petr Prause (violoncelle)

http://quatuortalich.com/

Abbaye Saint-Michel de Cuxa • route de Taurinya • 66500 Codalet

http://abbaye-cuxa.com/

Site du Festival : http://prades-festival-casals.com/

Réservations : 04 68 96 33 07

Courriel de réservation : contact@prades-festival-casals.com

Vendredi 1er août 2014 à 21 heures

Durée : 2 h 10 avec un entracte

De 10 € à 37 €

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5 août 2014 2 05 /08 /août /2014 08:50

Marlou Théâtre éclaire
nos vies


Par Léna Martinelli

Les Trois Coups.com


Dans le cadre de « la Semaine du Marlou Théâtre » à L’Île-d’Yeu, la compagnie théâtrale en résidence à la citadelle présente « La lune a braqué sa chaloupe », spectacle déambulatoire sur une des plus belles plages vendéennes. Magique !

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« La lune a braqué sa chaloupe » | © Sarah Meneghello

La plage comme espace de jeu théâtral. Et pas n’importe laquelle : la plage des Sapins à L’Île-d’Yeu ! Quiconque a eu la chance de profiter de ce lieu idyllique connaît le goût du bonheur. Vagues de l’Atlantique qui lèchent la côte Est de L’Île-d’Yeu, odeurs mêlées de sable mouillé, d’air iodé et des pins qui surplombent la dune, lumières sublimes sur l’estran… Tout confère à la plénitude. Né de cette plage, La lune a braqué sa chaloupe lie la beauté du paysage aux expériences intimes que chaque membre de l’équipe entretient avec cet espace propice aux rêves.

Et le Marlou n’en manque pas de rêves ! En résidence à L’Île-d’Yeu depuis quatre ans, ses membres ont eu le temps de polir leur art et de mûrir leurs utopies. Ils cultivent un nécessaire esprit de rébellion contre la normalisation, les renoncements individuels, l’absence de solidarité : « Il y a l’envie de parler de notre bruyante société moderne… Celle qui “crisse” tout autour de nous, et tout à l’intérieur. L’humanité embarque à bord de notre chaloupe. Il y a là un équipage bigarré, une caravelle de gueules cassées. […]. Ça s’active, ça braille, ça s’aventure. Une chose est sûre, c’est que rien n’est garanti. Et c’est pour cela qu’on rit, qu’on rit de plus en plus fort. Parce que, heureusement, il y a la poésie. Et toujours, il y a l’envie de rallumer les étoiles… », nous expliquent-ils. Bien que créé sur l’île d’Yeu, ce spectacle peut tourner et s’adapter à d’autres plages.

Derrière nos peurs qui crissent

La pièce raconte le retour de Jonas dans la société moderne, ici appelée la Crissante. Après de longues années d’errance, ce vagabond revient chercher une femme, avec sa carriole pleine d’histoires. Il devient le conteur, notre guide, le passeur aux pays des humains plus fous les uns que les autres. Dans sa quête, Jonas se confronte à différents personnages : le Trouillard, « œil de bœuf en proie à ses peurs, barricadé du monde », la Dépressive qui rate tous ses suicides, l’Hyperactif, « superhéros des temps modernes, abonné au temps qui court ». La solitude des uns fait écho à celle des autres, pour dévoiler les ressorts de la Crissante, qui casse la tête du peuple, lequel arrête de penser pour oublier.

Sur la route, nous faisons donc la connaissance avec « la meute des frousses à l’orée des bois », mais on croise aussi le Mégalo, « esclavagiste du genre humain et accessoirement chef d’orchestre des phénomènes cycliques et naturels », ou l’Enfant, « sentinelle qui n’a pas froid aux yeux », lueur d’espoir dans cette nef de fous. De station en station, les spectateurs suivent volontiers Jonas, guide précieux qui aide à dompter les angoisses. Si les flippés hurlent à la mort, lui gueule sa rage de vivre. Il nous détourne des voies d’égarement, ouvre des portes. Les enfants, nombreux ce soir-là, lui collent aux basques, et tous, nous ouvrons nos écoutilles, les narines dilatées au vent, de la pinède jusqu’au rivage.

Une échelle tendue vers les étoiles

Et si on rêvait plutôt que d’attendre la fin du monde ? Si on vivait au lieu de se laisser mourir ? Les acteurs jouent entre les arbres, avec le sable et la mer, ils s’en donnent à cœur joie comme des gamins à qui on aurait autorisé tous les délires : dessins mystiques sur le sable, tyrolienne ingénieuse, lanternes magiques dans le ciel… Peu d’accessoires pourtant : une boîte aux lettres, un château de sable, une échelle, mais de nombreuses belles idées qu’il serait dommage de dévoiler ici. La mise en scène use de procédés cinématographiques, cadre, profite d’une clairière, d’un dénivelé, de la profondeur de champ. Quelle merveilleuse expérience de passer ces portes symboliques jusqu’à ce que la scène s’ouvre vers l’infini, avec le coucher de soleil en arrière-plan !

Bien que parfois obscur, le texte comporte des envolées lyriques qui ne sont pas pour déplaire. Surtout ici, dans ce cadre enchanteur. Le livreur de nuages, le remplisseur de mer, le sculpteur de rochers sont inoubliables. Certaines images, très poétiques, resteront gravées dans la mémoire, notamment le final. C’est maintenant la pénombre. Le temps de brancher les projecteurs de théâtre… pour pousser la chansonnette. D’ailleurs, la musique est très importante dans le spectacle. Le chanteur du tube hygiénique de l’été, alias Clément Boucan et ses Clémentines, sont formidables. Après la musique des mots, celle des voix. Il ne manque que des guirlandes tendues entre les astres.

« Il est grand temps de rallumer les étoiles », écrivait Guillaume Apollinaire. En faisant fuir nos peurs, le Marlou, lui, éclaire nos vies. Pour l’admettre, il suffit de voir les étincelles dans les yeux des spectateurs. 

Léna Martinelli


La Lune a braqué sa chaloupe, de Marion Delplancke, Malou Delplancke, Marie Nicole

Marlou Théâtre • 7, rue de la Citadelle • 85350 L’Île-d’Yeu

06 87 10 03 01

Site : http://marloutheatre.wix.com/yeu

Courriel : marloutheatre@gmail.com

Mise en scène : Marion Delplancke, Malou Delplancke, Marie Nicole

Avec : Marion Delplancke, Malou Delplancke, Marie Nicole

Scénographie : Anne-Gaëlle Champagne

Chansons et musique : Clément Bertrand

Plage des Sapins • 85350 L’Île-d’Yeu

Dans le cadre de « La Semaine du Marlou à L’Île-d’Yeu »

Réservations : 02 51 58 32 58

Site : www.ile-yeu.fr

Du 1er au 4 août 2014, à 20 h 30, relâche le samedi 2 août

Durée : 1 h 20

10 €

À partir de 7 ans

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4 août 2014 1 04 /08 /août /2014 18:44

Garrett, simple amuseur
de discothèque ?


Par Jean-François Picaut

Les Trois Coups.com


Quelle différence y a-t-il entre un groupe formé dans les années 1970 et le quintette d’une star actuelle du saxophone ? Ce soir, les deux finissent par se rejoindre dans la danse.

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Kenny Garrett | © Pierre Vignaux

Spyro Gyra, groupe descendant d’une célèbre formation de jazz-rock des années 1970 assure le premier concert. De l’équipe originale ne subsistent que Tom Schuman aux claviers et Jay Beckenstein au saxophone alto. Emmené, notamment ce soir, par Beckenstein et Julio Fernandez (guitare), Spyro Gyra met en mouvement le chapiteau avec une musique pleine d’énergie, festive et dansante, mâtinée de rythmes caribéens. Le public en raffole.

Kenny Garrett quintette : de l’ésotérisme à une forme de facilité

Pour la seconde partie de la soirée, nous retrouvons l’élégant Mr Garrett que nous avons vu à Vienne, il y a une grosse quinzaine. Un costume gris-bleu du dernier chic avec une calotte assortie a remplacé le costume sombre. Façon de s’adapter au temps ?

Le concert de ce soir est divisé en deux parties très différentes Dans la première, on retrouve Pushing the World Away (titre éponyme de son dernier album, 2013, nommé pour un Grammy Award) en version longue, près de vingt minutes. L’incantation à connotation religieuse est encore plus présente, et Rudy Bird (percussions) s’en donne à cœur joie sur son gong et au chant. Ce titre est accompagné de deux morceaux tirés de Seeds From the Underground (2012), Welcome Earth Song et J. Mac. Ce dernier est l’occasion pour Corcoran Hold de se distinguer par un remarquable solo à la contrebasse tandis que McClenty Hunter (batterie) en signe un, époustouflant de virtuosité. Toutefois – est-ce la sonorisation quelque peu indiscrète ? –, cette première partie très foisonnante, où tous les instruments sont sur le même plan, surprend une partie du public qui quitte peu à peu le chapiteau. L’attitude de Kenny Clarke qui ne parle pas et joue le plus souvent face à un de ses musiciens sans regarder le public en est-elle en partie responsable, en accentuant le côté ésotérique de sa musique ?

La bascule se fait avec J’Ouvert (mot qui signifierait « carnaval » en créole). Sur son rythme dansant, le public bat spontanément des mains, encouragé par le percussionniste. Une baisse sensible du niveau sonore permet de goûter pleinement le son plein et les sonorités chaudes de Kennet à l’alto. La conquête du public est définitivement acquise avec Brother Brown, un morceau lent à la douceur déchirante, occasion d’un travail très délicat aux percussions et au piano (Vernell Brown). Quand le morceau s’achève dans un souffle, c’est un tonnerre d’applaudissements qui éclate.

On revient un peu à l’atmosphère de la première partie avec Seeds From the Underground avant d’entrer dans une sorte de happening improbable de près de cinquante minutes sur deux titres. Le public reconnaît Happy People (2002) dès les premières mesures, et c’est le signal pour se mettre debout et danser en reprenant le thème à pleins poumons. Bientôt Kenny Garrett ne va pratiquement plus jouer, se contentant de stimuler le public à coups de « come on », « Marciac », « Merci beaucoup » et autres onomatopées et interjections. Le scénario se répète avec Wayne’s Thang (1995). Les premiers rangs sont envahis par les danseurs infatigables qui en réclament toujours plus.

On peut trouver cette fin fort sympathique, et elle l’est. N’est-il pas regrettable cependant de réduire un musicien comme Garrett à un simple amuseur de discothèque ? 

Jean-François Picaut


Jazz in Marciac, 37e édition

Du 28 juillet au 17 août 2014 à Marciac (Gers)

Réservations : 0892 690 277 (0,34 € / min)

Site : www.jazzinmarciac.com

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4 août 2014 1 04 /08 /août /2014 09:54

Double « nationalité » : classique et jazz


Par Jean-François Picaut

Les Trois Coups.com


Deux grands noms du jazz français étaient réunis aujourd’hui sur la scène de Jazz in Marciac. Mais si l’Histoire était présente sur la scène, le futur s’y dessinait aussi.

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Didier Lockwood | © Jean-François Picaut

Pour le premier concert, je retrouve avec plaisir Sweet & Sour (Laborie Jazz, 2012) de Daniel Humair. C’est la quatrième fois, mais le plaisir est toujours intact et il n’est pas dû à la répétition, car la musique de ce quartette « n’est jamais ni tout à fait la même ni tout à fait une autre », pour citer Nerval. Avec Daniel Humair (batterie), Émile Parisien (saxophone), Vincent Peirani (accordéon) et Jérôme Regard (contrebasse), les mots d’écoute mutuelle, de liberté et d’improvisation prennent tout leur sens. Vous l’avez compris, le charme fait une nouvelle fois son effet. Daniel Humair est en grande forme et nous fait une démonstration sensible et fine de tout ce qu’on peut faire avec des caisses, des cymbales, des baguettes, des balais, etc. sans cogner. Ses trois complices sont aussi très affûtés, et on décolle vite. Ah, la Valse de Peirani, interprétée en rappel, quel régal et pas seulement du côté de l’humour !

Didier Lockwood fête ses quarante ans… de carrière

Après l’entracte, Didier Lockwood nous invite à fêter son anniversaire. Il le fait d’abord avec le concours de l’orchestre à cordes du conservatoire à rayonnement régional de Toulouse. L’heure est la bonne humeur et Lockwood fait son entrée en arborant la tenue des vignerons d’un célèbre groupement de producteurs locaux : tablier et veste très courte noirs portés sur une chemise blanche et bien sûr l’indispensable béret…

Quarantième anniversaire de carrière oblige, la soirée va être jalonnée d’allusions biographiques. Lockwood commence par rappeler ses premières amours classiques avant que son frère Francis ne le détourne vers le jazz, et ce sera Jazzuetto, une pièce à la manière de Bach pour deux violons et orchestre. Au passage, on pourra découvrir et admirer le talent de Guo Gan, le virtuose de l’erhu (vièle ou violon chinois à deux cordes) dans Chinoiserie. On le retrouvera notamment dans le fameux Saint-Thomas de Sonny Rollins enlevé avec brio, où les sonorités exotiques de l’erhu font merveille, pastichées par Lockwood avec la complicité de l’électronique. Félicitant l’orchestre et son chef, Jean‑Pierre Peyrebelle, le violoniste pourra se féliciter de la naissance d’une nouvelle génération de musiciens avec une double « nationalité », classique et jazz. Puisse-t-il être entendu.

En seconde partie, nous retrouvons Didier Lockwood avec un trio constitué pour l’occasion : Manu Katché (batterie), Darryl Hall (contrebasse), Antonio Farao (batterie). Ce quartette de haut vol invite Médéric Collignon (trompette et voix).

Keep on Tripping, un titre très rapide, se prête bien à la virtuosité de Lockwood et, loin de ses explorations habituelles, Collignon fait la démonstration de son talent à la trompette dans un long solo très brillant et très sensible avec des passages d’une grande délicatesse. Tiny Twins, berceuse composée par Lockwood pour la naissance de ses jumelles, comporte une très belle mélodie. Mais les choses décollent surtout dans les titres qui réunissent Collignon et Lockwood. Ainsi, dans November Twenty-Nine (de Manu Katché), Médéric Collignon dans un passage de percussion vocale entre dans une joute avec Didier Lockwood. Il le pousse à puiser dans ses réserves tandis que la réponse de Lockwood l’amène lui-même à se libérer davantage. Ça déménage encore plus avec Fourth Blues où après un passage très virtuose à la trompette, Collignon chante, scatte et fait de la percussion vocale. Avec cet aiguillon, le niveau de jeu de chacun s’élève, et on assistera ainsi à un duel de vélocité entre Darryl Hall et Lockwood, puis la compétition entre celui-ci et Katché tournera au véritable délire. De telles performances vous réveillent. Heureusement, car il est déjà deux heures du matin ! Mais, le public, insatiable, obtient un rappel, et on termine en beauté avec Zebulon Dance, occasion d’une nouvelle joute échevelée entre Collignon et son hôte, Didier Lockwood.

Chacun à sa façon, Didier Lockwood et Daniel Humair incarnent une part de l’histoire du jazz en France. Il est réconfortant de constater que chacun dans son genre ne s’installe pas dans le rôle de la statue du commandeur, mais continue d’explorer et, pour Humair, de faciliter l’éclosion et l’épanouissement d’une nouvelle génération. 

Jean-François Picaut


Jazz in Marciac, 37e édition

Du 28 juillet au 17 août 2014 à Marciac (Gers)

Réservations : 0892 690 277 (0,34 € / min)

Site : www.jazzinmarciac.com

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3 août 2014 7 03 /08 /août /2014 19:18

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