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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 10:45

Cette paix… si loin, si proche

 

À grand sujet, grande scène… surtout lorsqu’il s’agit du conflit israélo-arabe. Sujet brûlant, en effet ! Cette soirée, au titre évocateur, « Ce si proche Orient », était présentée par Miguel-Angel Estrella et organisée par la Foire Saint-Germain et son directeur artistique, Franck-Olivier Laferrère. À cette occasion, des artistes exceptionnels, dans un lieu hautement symbolique : quatorze comédiens, sur la scène de l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Tous rassemblés sous la direction de François Leclère, pour la lecture d’« Hébron », une pièce de Tamir Greenberg.

 

foire-saint-germainQuand le théâtre se mêle à l’actualité, il peut aussi devenir émouvant. Parce que le regard qui est porté n’est pas celui d’un acteur politique, mais bien celle d’une conscience qui va par-delà les frontières. De cette guerre au Proche-Orient, la télévision vomit en permanence des scènes d’horreur. Nous, mais aussi François Leclère et beaucoup d’autres, avons grandi avec ces images terribles. Cette guerre est là, depuis si longtemps déjà. Si proche, oui, mais si loin aussi. Si loin de notre conscience, de notre quotidien. Et c’est cette conscience que Franck-Olivier Laferrère et son équipe artistique avaient envie de partager. Un engagement, non pas pour un conflit, non pas pour un parti… mais en faveur de la paix.

 

Belle initiative, orchestrée par un invité de qualité : Miguel-Angel Estrella. C’est en toute humilité que ce grand pianiste argentin a ouvert la soirée pour nous rappeler que « la presse ne parle pas assez de ces choses magnifiques qui se passent aussi au milieu des choses atroces ». Ce soir-là, c’était Tamir Greenberg et sa pièce, Hébron, qui était à l’honneur. Un auteur israélien que nous connaissons mal en France, mais dont il faut absolument retenir le nom. Si ce poète et dramaturge est largement reconnu en Israël, il est traduit depuis peu aux éditions Théâtrales. Hébron est en effet un petit bijou d’intelligence et d’émotion : deux familles, l’une israélienne, l’autre palestinienne, s’affrontent. Chacune a ses morts et ses rancunes. Dans chaque camp, la haine est forte et justifiée. Mais dans cet imbroglio sans fin, la Nature, ici personnifiée, se réveille, et conduit les deux peuples à une inexorable catastrophe.

 

Pour dire ce texte, plein de poésie et de philosophie, quatorze comédiens sont venus sur la grande scène de l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Cette lecture théâtralisée de la pièce a suffi à donner le ton à cette œuvre superbe. Quelques noms, quelques monstres de la scène ont pu y déployer leurs talents : par exemple, dans un face-à-face douloureux et difficile, Louis Beyler et Christophe Brault représentaient les dirigeants de chaque parti. Deux acteurs magnifiques pour symboliser deux camps, Palestiniens et Israéliens, pris dans un étau qui devient rapidement impossible à desserrer.

 

Saluons aussi la prestation de Christine Gagnieux. Magnifique ! Elle y jouait la femme de l’ancien maire d’Hébron, mais aussi et surtout la « Terre nourricière », celle qu’on salit de rouge par nos meurtres et qui finit par rejeter nos morts, parce qu’elle n’en peut plus de supporter nos atrocités. Malheureusement, nous ne pouvons citer tout le monde, mais beaucoup étaient impressionnants de justesse et de beauté. Tamir Greenberg aussi était là. Au milieu d’une salve d’applaudissements, il est venu saluer le public. Seulement, on aurait aimé l’entendre. Humilité des grands artistes, peut-être.

 

La soirée était close par quelques morceaux classiques et des extraits de Gershwin interprétés par L’Orchestre pour la paix, dont Miguel-Angel Estrella est le fondateur. Cet orchestre porte bien son nom, car il est composé de cinquante musiciens représentant quinze nationalités différentes. Néanmoins, si cette dernière partie fut aussi un moment agréable, la soirée s’est terminée de façon un peu abrupte, sans adresse au public. Mais peu importe, l’essentiel n’avait-il pas été dit ? « Une frontière ça se voit pas, c’est une invention des hommes, la nature s’en fout ! » *.

 

Sheila Louinet

Les Trois Coups

www.lestroiscoups.com


* Marcel Dalio dans la Grande illusion de Jean Renoir (1937).


« Ce si proche Orient », organisé par la Foire Saint-Germain dans le cadre du Salon du théâtre et de l’édition théâtrale

http://www.foiresaintgermain.org/

Lecture d’Hébron, de Tamir Greenberg, traduit par Laurence Sendrowicz, aux éditions Théâtrales, avec le soutien de la Maison Antoine-Vitez

Lecture dirigée par François Leclère

Avec : Louis Beyler, Thomas Blanchard, Christophe Bruault, Jauris Casanova, Juliette Croizat, Marie-Armelle Deguy, Christine Gagnieux, David Geseson, François Kergourlay, Yannick Laurent, Gérald Maillet, Juliette Plumecocq-Mech et Julie Recoing

Odéon-Théâtre de l’Europe • 2, rue Corneille • 75006 Paris

Le lundi 7 juin 2010

Durée : 2 h 45

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commentaires

F
<br /> <br /> Merci pour ce très bel article Sheila.<br /> <br /> <br /> Et pour répondre à votre interrogation, effectivement nous avions pris la décision de ne pas faire d'adresse au public, tout au moins pas d'autres que celles des comédiens puis des musiciens,<br /> considérant que notre engagement commun à prendre la parole dans la grande salle du théâtre de l'Europe se suffisait à lui même et nécessitait de notre part la plus grande sobriété.<br /> <br /> <br /> Bien cordialement,<br /> <br /> <br /> Franck-Olivier Laferrère<br /> <br /> <br /> <br />
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